Dominique Molitor : M. l’abbé, vous venez de créer un Centre
Culturel Chrétien et vous insistez beaucoup sur cette dénomination. Pour
quelle raison ?
Abbé
Guillaume de Tanoüarn : La culture chrétienne est un enjeu capital pour
l’à venir de la foi chrétienne. Lorsque j’emploie le mot culture, je
n’envisage pas forcément une masse de connaissances qu’il faudrait
mémoriser. Je veux parler d’une forme d’appropriation de la foi ou si
vous voulez d’une méditation de la foi, d’un retour que chacun doit
effectuer sur sa propre foi. Le drame aujourd’hui pour beaucoup de
chrétiens, c’est que cette appropriation personnelle de la foi est
devenue difficile. Le scientisme toujours présent, le matérialisme
ambiant, la légende noire du christianisme, inventée par Voltaire et qui
ne cesse de marquer les esprits, à travers la mode de la repentance, et
puis le droit de l’hommisme dans tous ses états, voilà qui sont autant
d’obstacles à vaincre, en soi-même, pour accéder à cette culture
chrétienne, c’est-à-dire à la possession tranquille de la foi. Une
paroisse ordinaire n’offre pas forcément cette possibilité d’un
accès libre aux richesses de la culture chrétienne. Je parle de
richesses : comprenez que cette culture représente 2 000 ans de
méditation, de réflexion, de débats, d’écriture. La Tradition
chrétienne est la seule dans l’histoire de l’humanité à être
quasiment inépuisable. Et on ne doit pas la conjuguer seulement au
passé ! Aujourd’hui encore la culture chrétienne fleurit à
travers la richesse d’une certaine exégèse biblique par exemple, ou
bien encore à travers l’anthropologie d’un René Girard. Ajoutons les
progrès considérables de l’historiographie, dont Jean Sévillia a
dressé un premier bilan dans Historiquement
correct. Il est urgent de diffuser ces richesses intellectuelles, pour
que les fidèles, qui ont un peu de temps et d’énergie pour travailler
personnellement, puissent réapprendre la vraie fierté chrétienne, non
pas celle du Pharisien, qui est faite de mépris pour le prochain, mais
celle que nous enseigne le Christ lui-même, qui trouve son ressort dans
la gratitude pour le don de Dieu : «
Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? »
Dans tout cela finalement la liturgie n’a
que peu de place. Ne cédez-vous pas à une sorte d’intellectualisme ?
Pas
du tout ! L’intellectualisme est l’apanage de quelques grosses
têtes un peu perdues. La culture est vraiment universelle. Je ne résiste
pas à invoquer Pierre Desproges, qui affirmait subtilement : «
La culture, c’est comme un parachute, quand on n’en a pas, on s’écrase
». S’il faut parfois prendre les humoristes au pied de la lettre,
je crois bien que c’est l’occasion !
Mais
trêve de plaisanterie ! Vous me parlez de liturgie. Je crois que la
liturgie est tout naturellement au cœur de la culture chrétienne. Et c’est
pourquoi, non seulement nous proposons à qui veut quatre messes par
dimanche (9 h 00 ; 11 h 00 ; 12 h 30 et 19 h 00), mais nous
veillons à ce que ces messes soient belles. La présence agissante d’Armelle
Doutrebente est une aide importante, pour le chant d’abord, mais aussi
pour les ornements et tout ce qui concerne la sacristie. Il ne s’agit
pas de céder à la tentation de la préciosité ou du maniérisme, mais,
encore une fois, d’utiliser tous les trésors de la Tradition, dans l’acte
sublime de la messe, qui réalise la grande transposition chrétienne, en
nous faisant passer d’un monde à l’autre, par le sacrifice du Christ.
La beauté est un appel, disait déjà Platon, en jouant sur les mots en
grec (kalos/kallein).
De manière sans doute un peu ingénue, un paroissien évoquait récemment
devant moi « la douceur » de notre chapelle. Son expression m’a frappé,
et, pourquoi le nier ? Elle m’a fait plaisir. Sans doute avait-il
perçu cet appel à sa manière ! |