Que proposez-vous encore ?
Pour
l’instant, nous prévoyons deux conférences par semaine, l’une, le
mardi soir, sur un grand sujet d’actualité, l’autre, le dimanche
après-midi, dans le domaine immense de la spiritualité chrétienne. Mais
nous avons des projets plus systématiques pour la prochaine année
scolaire. Outre un catéchisme tous niveaux, une initiation au latin
(langue et civilisation), à l’italien, à la patristique et à la
scolastique dans ses constantes, outre des sessions d’apprentissage de
la prise de parole, nous aimerions créer, à Paris, une véritable école
de théologie. Plusieurs prêtres ont déjà été pressentis pour cela.
Il s’agirait, partant des réalités d’aujourd’hui, de manifester la
régence permanente de la théologie chrétienne authentique sur tous les
savoirs. Urs von Balthasar parlait d’une possible intégration
théologique universelle. Nous pensons, nous, que cet intégralisme a fait
son temps. La théologie d’aujourd’hui, comme l’a bien indiqué le
cardinal Ratzinger dans Dominus
Jesus, ne peut plus se permettre de tout intégrer, sans distinguer le
bon grain et l’ivraie. Ce que le monde attend, en réalité, ce que nous
devons essayer d’élaborer, c’est une théologie de la différence
chrétienne. Est-il trop tôt pour parler de cela ? S’il est vrai
qu’en toutes choses il faut considérer le but ultime, eh bien ! Il
n’est pas trop tôt pour envisager l’esprit dans lequel nous allons
essayer de travailler et de transmettre, et l’œuvre que nous voulons réaliser.
Monsieur l’abbé, on a l’impression
à vous entendre que vous mûrissez ce projet de longue date…
Je
vous remercie d’exprimer cela si clairement. Il est vrai que les
circonstances particulièrement pénibles que je viens de vivre dans la
Fraternité Saint Pie X exigeaient de ma part un repositionnement rapide.
Il a été d’autant plus facile qu’il ne relève en rien, au moins
dans sa substance, de l’improvisation. J’ai toujours cru à l’apostolat
par la culture et si vous me permettez une anecdote un peu personnelle, je
m’entends encore répondre à la religieuse de ma paroisse à
Rueil-Malmaison qui me questionnait sur les raisons de mon entrée à
Ecône : « J’y vais pour des
raisons intellectuelles, à cause des richesses splendides de la Tradition
dont je veux jouir et que je désire transmettre librement. » J’ai
connu la pauvreté volontaire du christianisme des années soixante-dix. C’est
lui qui m’a formé ou plutôt qui a essayé de le faire ; je
resterai longtemps encore scandalisé par son indigence intellectuelle, et
cette indigence provoquait ce que Bernanos n’hésitait pas à appeler «
un amour femelle de l’adversaire » que je n’ai jamais supporté. |