Le
centenaire des lois scélérates de 1905 a donné l’occasion à notre
grande famille catholique et française de se réunir. Nous avons accompli
aujourd’hui un « devoir
de mémoire » comme ils disent. Comment oublier en effet le
torrent de haine qui s’est abattu sur les catholiques à l’orée du
vingtième siècle ? Un peu plus de cent ans après la terreur de la
révolution française, après le génocide vendéen, la république a
envoyé la troupe pour briser les tabernacles et piller les églises. On a
interdit la soutane aux prêtres. On a chassé de pauvres moines et banni
de bonnes religieuses. Pour quels crimes ? Porter un habit de
pénitence dans un monde ivre de plaisir ? Prier ? Soulager les
misères de leurs prochains ? Intolérance, fanatisme, honte :
voilà ce qu’a produit la république laïque ! C’était il y a
seulement cent ans et les grands parents de certains d’entre nous ont
vécu ces événements ! Mes chers amis, n’oublions jamais ces
méfaits et ne nous laissons pas abuser par ceux qui nous demandent
aujourd’hui de nouvelles concessions.
Mais
ce triste anniversaire est surtout l’occasion de nous interroger sur
notre identité. Nombreux parmi nous n’ont pas le bonheur de partager la
foi catholique. Pourtant nous sommes tous venus. Pourquoi ? Parce que
nous sommes attachés à l’image de ces beaux villages de France dont
les maisons ont poussé autour de la vieille église, comme des petits
autour de leur mère. Et nous n’imaginons pas que cette église puisse
être un jour remplacée par une mosquée ! Alors nous avons
réfléchi aux dangers qui menacent notre identité française : flux
migratoires inassimilés, émergence d’un islam de masse sur notre
vieille terre de chrétienté, abdications de souveraineté face à la
technocratie européenne. Nous avons aussi cherché les motifs de cette « cathophobie
contemporaine », de cette hostilité systématique à un
catholicisme donné en ennemi commun dans tout débat sur la religion ou
la nation.
On
a évoqué aujourd’hui le dernier ouvrage de Nicolas
Sarkozy intitulé La
République, les religions, l’espérance. Il est important pour deux
raisons. La première est son contenu : non que celui-ci soit
nouveau, il est au contraire assez commun et tel est précisément son
intérêt : ce petit ouvrage est la synthèse de cent ans de
laïcité. Il constitue une vulgate de la pensée contemporaine sur les
questions religieuses. Son autre intérêt est évidemment l’auteur qui,
comme chacun sait, nourrit des ambitions présidentielles. Or quel est l’électorat
de Nicolas Sarkozy ? la droite conservatrice, c’est-à-dire la
France catholique ! Nicolas Sarkozy sera-t-il donc le champion de
notre parti ?
Que
dit M. Sarkozy ? Il commence son discours en soulignant la valeur de
la religion en général, notamment en raison de ses vertus civiques. Je
le cite : « je suis convaincu
que l’esprit religieux et la pratique religieuse peuvent contribuer à
apaiser et à réguler une société de liberté » (p. 19).
Cette vision est proche de celle de Karl
Marx, qui voyait en la religion un simple « opium du peuple ». M. Sarkozy poursuit : « On
a d’abord connu la religion qui faisait la loi ; de ce point de
vue, il y avait une confusion totale dans l’Ancien Régime. Il faut
quand même dire les choses telles qu’elles sont : ce qu’on
reproche aujourd’hui aux musulmans, dans les pays musulmans, nous l’avons
vécu il y a quelques siècles avec une imbrication totale du pouvoir
religieux et du pouvoir royal. Il y a eu ensuite une volonté de la
République de s’émanciper de l’influence d’une religion devenue
omniprésente. C’est le temps de la laïcité de combat. Puis nous
sommes entrés dans une phase de normalisation et d’équilibre où les
grandes religions ont démontré qu’elles avaient toute leur place dans
la république » (ibidem).
Quelle
est donc cette place ? « la religion n’est pas simplement un phénomène cultuel. Elle
est aussi un élément d’identité culturelle » dit-il. Jusqu’ici
nous sommes d’accord. Mais il poursuit : « en
vérité, et c’est bien là le problème, la France est devenue
multiculturelle, multiethnique, multireligieuse… et on ne le lui a pas
dit. La composante musulmane de France est une réalité ! »
(p. 22). Nous n’avions pas attendu le petit Nicolas pour nous en rendre
compte !
Voilà
le fond de l’affaire ! On veut absolument nous faire admettre que
la France est un creuset, un « melting pot » comme disent les Américains, une
mosaïque dont le ciment serait la République. De là, la religion ne
serait qu’une affaire privée. Bonne en tant que telle, elle
constituerait une sorte d’hygiène socialement utile, un peu comme le
sport, qui détend et rend aimable. Pour Nicolas Sarkozy, la religion
permet aux citoyens d’avoir de l’espérance ! Qui avancerait sans
espérance ? Mais évidemment pas question d’imposer au citoyen le
football plutôt que le judo ou la pêche à la ligne ! La seule
règle qui doive être respectée est qu’il n’en faut imposer aucune.
« Poser
comme postulat qu’il y aurait des religions supérieures à d’autres,
ou différentes des autres en raison de leurs valeurs (…),
c’est se heurter à l’égalité intangible des hommes entre eux,
quelles que soient leur origine ou leur croyance. Le rôle du ministre des
Cultes n’est pas de hiérarchiser les Eglises ou les religions. Toutes
celles qui sont reconnues comme grands courants religieux doivent être à
égalité de droits et de devoirs. C’est aussi cela la laïcité. Il n’y
a en France ni religion officielle, ni religion d’Etat, ni même une
religion au-dessus des autres » (p. 52).
C’est
là, mes chers amis, le projet de la philosophie des Lumières. Emmanuel
Kant annonçait l’étrange théologie de Nicolas Sarkozy, lorsqu’il
distinguait dans son ouvrage intitulé La religion dans les limites de la simple raison (1794), les « églises
historiques » de « l’église
véritable » et les « dogmes
historiques de la foi » de la « pure
foi religieuse ». Chacun aurait ainsi « sa »
tradition religieuse (catholique, musulmane, juive ou autre) et toutes ces
traditions seraient également légitimes. La foi « pure »
serait simplement d’en avoir une, c’est-à-dire de croire en quelque
chose, peu importe quoi. D’ailleurs M. Sarkozy note que les grandes
traditions religieuses s’accordent sur l’existence d’un Dieu unique,
créateur et sur une vie après la mort…(p. 56).
La
religion est donc acceptable pour la République si elle renonce à se
déclarer supérieure aux autres en prétendant détenir la vérité.
Prétendre
détenir la vérité : voilà qui est intolérable et
répréhensible ! C’est « l’intégrisme » que
Nicolas Sarkozy dénonce des mots les plus durs : « il ne faut pas confondre le fondamentalisme et l’intégrisme.
Quand un croyant affirme : “je vis mon engagement spirituel
conformément aux fondamentaux de ma religion”, nous n’avons rien à y
redire, en tout cas du point de vue de la République. Là où l’inacceptable
est franchi, c’est lorsque ce fondamentalisme veut s’imposer aux
autres, notamment aux proches ou aux membres de la famille. Appliqué à
soi-même, l’absolu n’est pas un danger pour la société. Imposé aux
autres, il devient un danger. C’est à mon sens la différence entre le
fondamentalisme et l’intégrisme, qui est le nom approprié pour l’extrémisme
religieux » (p. 36).
« L’intégrisme
est une volonté de vivre sa religion en l’imposant aux autres. Il se
traduit par le non-respect de l’identité de l’autre. Il cherche à
contraindre, à imposer une lecture du monde, de l’homme, des rapports
entre politique et mystique. Il ne peut y avoir de place pour cette
attitude dans la République française » (p. 87), conclut M.
Sarkozy.
Par
conséquent, déclare l’ex-ministre de l’Intérieur, il convient de « faire
preuve d’une intolérance résolue envers toutes les attitudes qui
violent les règles de la République sous couvert de prétexte
religieux » (p. 37). « Intolérance
résolue » : sous la Révolution on guillotinait les gens
parce qu’ils portaient un chapelet. M. Sarkozy déclare qu’on ne doit
pas même chercher à imposer sa religion aux membres de sa famille :
réclamera-t-il la prison pour ces pères qui imposent leur « absolu
religieux » aux citoyens sans défense que sont leurs
enfants ?!
Finalement
la question de la laïcité se résume tout simplement à la question de
la vérité. La vérité existe-t-elle ? Est-elle une ? A-t-elle
été révélée ? L’Eglise est-elle divine ? Accepter la
laïcité républicaine est répondre négativement à ces questions.
Avec
complaisance M. Sarkozy constate que « dans
nos sociétés, les religions ont abandonné toutes perspectives d’exercice
d’un pouvoir temporel » (p. 36). De fait, les hommes d’Eglise
ont pour la plupart abandonné la doctrine des papes Léon
XIII et Pie XI sur la
constitution chrétienne des Etats ou sur le règne social du Christ-Roi.
Se fondant sur une logique héritée des Lumières, Vatican II a même
développé une doctrine nouvelle de la dignité de la personne humaine
qui fonderait le principe de la liberté religieuse et donc de la
laïcité de la société civile.
Mais
Jésus-Christ n’a lu ni Emmanuel Kant ni Nicolas Sarkozy et déclare
avec une divine audace : « je suis la voie, la vérité et la vie » (Jo 14, 6).
Montant au ciel, ses dernières paroles sont « celui
qui croira et sera baptisé, sera sauvé. Celui qui ne croira pas sera
condamné » (Mc 16, 16). Alors M. Sarkozy peut bien nous jeter
en prison, mais il n’est pas en notre pouvoir de diminuer la force de
ces paroles de Notre Seigneur.
Mes
chers amis, même si presque tout le monde, même catholique, accepte
cette laïcité, nous ne pouvons nous y résigner. Nous devons dire
non ! Nous devons proclamer que la religion catholique n’est pas
une religion comme les autres, qu’elle est la seule vraie religion et qu’elle
doit être considérée comme telle en France !
La
France a toujours été reconnue par l’Eglise comme sa fille
aînée ! Cela signifie que nous autres Français avons la charge
spéciale de défendre l’Eglise lorsqu’elle est attaquée ! Ceci
est vrai aujourd’hui comme hier lorsqu’on clamait « Gesta Dei per Francos ! Les choses de Dieu passent par les
Français ! ». Les dons de Dieu sont sans repentance. Nous
restons la fille aînée de l’Eglise, même si en donnant la révolution
au monde nous avons mérité tous les châtiments. A nous de nous
relever ! L’Eglise en a besoin !
Chers
amis, la religion est une réalité incarnée ! Or la France est d’abord
une réalité charnelle et c’est cette réalité qui doit se relever.
Oh ! Nous pourrions être découragés. Qui n’est contre
nous ? La loi… Le système… Le clergé qui nous abandonne souvent…
Mais
n’ayons pas peur ! Jeanne d’Arc, la grande, la sainte Jeanne d’Arc n’allait-elle
pas répétant que le Christ est le véritable Roi de France et que celui
sacré à Reims n’était que son lieutenant ? Cela aurait-il
changé ? Non, c’est impossible, car Dieu ne change pas. Les
miracles de Jeanne sont là pour en témoigner. Si Dieu ne se montre pas,
c’est parce que nous ne sommes pas disposés à Le recevoir.
Mes
amis, nous avons reçu la France en héritage. Elle est notre
patrimoine : cela ne veut pas dire que nous en sommes propriétaires,
cela signifie que nous lui appartenons. Nous ne pouvons donc pas en faire
ce que nous voulons ou – pire – ce que veulent les politiciens au nom
d’une pseudo volonté générale. Nous devons seulement la servir.
Jeanne
a déclaré que les hommes combattraient et que Dieu donnerait la
victoire. La France nous dépasse. Notre pays a quinze siècles. Quinze
siècles ne s’effacent pas avec une loi ! Mais la France est en
danger. Elle peut disparaître par perte de son identité ou bien par
dissolution dans la technocratie européenne. Nous sommes certes
incapables de sauver la France, mais il faut seulement combattre, c’est-à-dire
transmettre. Transmettre la France. Comment ?
Chers
amis, aucune nation ne peut mourir, sauf volontairement. Malgré les lois
qui la défigurent, la France vit. Elle vit en chacun d’entre nous. La
République peut voler nos églises et notre liberté, elle ne peut voler
notre cœur. C’est pourquoi notre premier devoir est de cultiver la
France dans nos cœurs. L’aimer d’amour dans tout ce qu’elle est :
sa langue, ses traditions, son patrimoine et par-dessus tout aimer le
moteur de tout cela, j’ai nommé le catholicisme qui fait partie
intégrante de l’identité française !
Prenons
courage ! Tout semble perdu, mais rien n’est impossible à Dieu. Ce
combat est surnaturel. Gesta Dei per Francos ! |