Olivier Pichon, vous êtes le directeur de
la revue «Monde et Vie » (1) et vous avez participé au Congrès du 6
février. N’avez-vous pas trouvé particulièrement rébarbatif le sujet
proposé par les Cercles de Tradition, ce centenaire de la laïcité à la
française ?
Il
n’est rébarbatif que pour ceux qui n’en saisissent pas les enjeux. Je
pense au contraire que c’est une vraie question d’actualité. Le choc
de l’islam nous a fait rentrer dans le XXIème siècle, en nous imposant
une nouvelle manière de considérer les rapports entre politique et
religion. L’islam, il faut le dire, a souvent joué contre son gré, le
rôle d’aiguillon de la chrétienté. En l’occurrence, je pense que l’attitude
de M. Sarkozy, voulant créer un islam de France et soutenant ce qu’il
appelle lui-même une discrimination positive en faveur de l’islam a
réveillé la conscience de notre peuple.
Je
crois que beaucoup de gens se réclament aujourd’hui de la culture
chrétienne qui ne l’auraient pas fait il y a dix ans.
Pourquoi la présence de millions de
musulmans en France réveille-t-elle, selon vous, davantage la conscience
chrétienne que la conscience laïque ?
Le
laïcisme est derrière nous. Nous sommes entrés dans une nouvelle phase
historique, car, nous pouvons déjà le constater à travers maints
indices, l’islam n’est pas soluble dans la laïcité... Lorsqu’on a
compris cela, on en arrive tout naturellement à penser que la laïcité a
perdu son souffle et sa puissance intégratrice... et qu’il faut trouver
autre chose !
L’abbé de Tanoüarn parle d’«assurer
la prépondérance sociale des valeurs chrétiennes ». C’est une
formule. Comment peut-elle se réaliser dans les faits ?
On
pourrait dire qu’il faudrait d’abord affirmer publiquement les racines
chrétiennes de la France. Je prends un exemple : l’article 2 de la
Constitution de la Vème République stipule que le français est la
langue de la République. La langue n’est pas un objet constitutionnel,
mais le législateur a éprouvé le besoin de faire ce rappel et de
réaffirmer la prégnance du français en France. Il ne serait pas
impossible de penser que l’on prenne acte de la situation nouvelle où
se trouve notre pays et qu’un article supplémentaire soit inscrit,
rappelant que la France tire ses racines de la culture chrétienne...
Et pourquoi ne pas parler de ses «
racines humanistes » ?
L’humanisme,
au sens où vous l’entendez, c’est une idéologie issue du siècle des
Lumières, qui comporte une volonté farouche de combattre le
christianisme. Cette référence est improductive et maladroite. Le cycle
des lumières est terminé. La « modernité » idéologique est morte. On
ne peut pas fonder un grand projet sur un cadavre. Ce serait rentrer dans
l’avenir à reculons. |