Les
catholiques traditionalistes proches de la Fraternité Saint-Pie X ont
convoqué un vaste public à l’enseigne des Cercles de Tradition, pour
célébrer à leur manière le Centenaire de la Loi de 1905 sur la
séparation de l’Eglise et de l’Etat. Surprise ! Sur un sujet
particulièrement ardu, près de 1 600 personnes se sont pressées toute
la journée dans les locaux de la Mutualité. Alors qu’il est très
difficile aujourd’hui d’intéresser un public à un sujet qui dépasse
la vie quotidienne, la salle – volontiers enthousiaste, parfois vibrante
– témoignait à elle seule du poids de la circonstance.
Une
triste exception française
Jusqu’à
ce jour, il faut bien reconnaître que les catholiques étaient restés
étrangement discrets sur le sujet. Comme me l’explique en coulisse
Christophe Mahieu, porte parole officiel des Cercles de Tradition, « il
faut bien reconnaître que sur ce point comme sur beaucoup d’autres les
évêques donnent le mauvais exemple. Le discours de Mgr Dagens ou de Mgr
Doré est le même que celui des laïques les plus convaincus ».
Le personnage était devant moi, un intellectuel manifestement,
mais qui n’a rien d’un idéologue. Son sourire, sa bonhomie semblent
faits pour mettre toujours l’interlocuteur de son côté. Il est
visiblement enchanté du tour que prennent les événements : « Ce
succès dépasse toutes nos espérances » me confie-t-il en se dirigeant
vers la scène pour présenter l’intervenant suivant… Les
organisateurs sont manifestement surbookés. Je me rabats donc sur mon ami
Serge De Beketch que j’aperçois près de son stand du Libre
Journal de la France courtoise (1) et qui est intervenu dans le
premier débat de la Matinée, celui qui s’intitulait : «L’égalité
des religions, un dogme laïque ». Je lui demande s’il ne trouve pas
curieux qu’il y ait tant de monde à plancher sur un sujet apparemment
abstrait comme la laïcité. Comme à son habitude, il balaie l’objection
d’un revers de main et choisit un autre terrain: «Je ne constate aucune
crispation cérébrale chez les congressistes. Ce qui me frappe – au
contraire – c’est le clair courant de bonne humeur que l’on sent
passer dans cette assemblée ». Et il enchaîne en m’expliquant : «
Tout à l’heure, j’ai fait rire la salle en inventant le concept de
religion comique. Je crois que le laïcisme fait ce que font toutes les
religions comiques, il bricole des dogmes, il invente des péchés dont on
avait jamais entendu parler et, dans certains cénacles, il va jusqu’à
cultiver des symboles en pratiquant un rituel, qui est une caricature du
rituel catholique »…
Il
est vrai que la laïcité – revendiquant ses sanctuaires dans la
société – a un peu tendance à prendre les allures d’une religion
séculière, en cultivant une extrême intolérance. Après tout, c’est
bien connu : pas de liberté pour les ennemis de la liberté ! Je n’eus
pas beaucoup le temps d’épiloguer. Dans la foule qui se pressait autour
des stands, la grosse masse noire de l’abbé de Tanoüarn se détachait,
m’empêchant d’avancer davantage. On ne pouvait pas rater le directeur
de la revue Certitudes. Je lui demandais donc tout de go de quoi il allait
nous entretenir : « J’ai appelé mon intervention “les significations
d’une loi”».
La
haine obsessionnelle pour le christianisme
Quand
on relit le texte de loi attentivement, on constate que beaucoup d’articles
n’ont jamais pu être appliqués. D’autres sont carrément obsolètes
aujourd’hui. Bref, quand on revient au texte originel de la loi, on a un
peu l’impression que l’inventaire tourne à l’autopsie –
Mais alors que reste-t-il de la Loi de 1905? Par exemple, les associations
cultuelles, qu’elle prévoyait, fonctionnent toujours ? – Les
associations diocésaines fonctionnent grâce à un accord qui est
intervenu en 1924 entre Paris et le Vatican; elles ne sont pas conformes
aux stipulations de la loi de 1905. A l’époque, effectivement, l’Etat
républicain a reculé devant les exigences de l’Eglise catholique… »
Le propos commençait à devenir franchement technique, l’abbé n’insista
pas davantage et il conclut : «Au fond, je crois que ce qui reste de la
loi de 1905, ce n’est pas l’idéal qui l’a portée, cet idéal est
moribond. Non, ce qui reste, c’est la haine obsessionnelle pour le
christianisme qui animait les auteurs de la loi, ce que nous appelons
désormais la cathophobie ambiante»… Il n’y a effectivement pas de
quoi pavoiser devant cette triste exception française… |