Il
y a quelque chose de dérisoire dans le spectacle que nous offre
l'actualité religieuse en ce début du mois de novembre. D'un côté, les
évêques de France se réunissent pour leur traditionnel rendez-vous de
Lourdes. Ils sont mobilisés cette année par la minuscule question de la
réforme des structures de leur propre assemblée. Pour se donner bonne
conscience, ils parleront aussi de la catéchèse, en essayant de dire
comment articuler la transmission des connaissances et l'expérience de
vie dans l'enseignement religieux. Une tarte à la crème déjà mille
fois repassée au four à micro-ondes de leurs bonnes intentions...
Pendant
que, dans les Pyrénées, vont avoir lieu ces débats picrocolins, à
Paris, Nicolas Sarkozy, ex-ministre des Cultes, s'occupe des choses
sérieuses. Il vient de publier aux éditions du Cerf un livre
d'entretiens avec un jeune dominicain très répandu ces temps-ci, le
Père Philippe Verdin. L'interlocuteur et l'éditeur valent à eux deux un
label d'orthodoxie chrétienne, pour ce qui apparaît, dans la bouche de
Sarkozy, comme une nouvelle doctrine des rapports entre les religions et
l'Etat français. L'homme qui se voit déjà président parle à ce sujet
de “laïcité positive”. Il propose aux Eglises et aux imams une
collaboration étroite, reposant sur une évaluation positive du fait
spirituel. « Je suis catholique, non pratiquant, mais je crois important
d'aller à la messe en famille ». « L'être humain n'est pas fait pour
supporter et assumer le désespoir. Le doute est déjà assez difficile à
vivre. La certitude du néant, ce serait bien pire ». L'ex-ministre des
Cultes ne fait aucune profession de foi, mais il répète à qui veut
l'entendre sa « profession d'espérance » : « La question spirituelle a
été très largement sous estimée ».
C'est
au nom de cette attitude personnelle revendiquée, chose assez neuve chez
un ministre de la République, que ce petit Napoléon dessine les contours
d'un nouveau concordat. La loi de 1905, en son article 2, prévoyait une
totale séparation entre l'Eglise et l'Etat. Il propose lui, au rebours,
un véritable engagement de l'Etat envers les religions : « Il reste une
question à régler, qui n'est pas anecdotique : c'est celle du
financement des grandes religions de France ». Vive l'assiette au beurre
! « Prenons l'exemple des prêtres catholiques : leur situation sociale,
c'est le moins qu'on puisse dire, n'est ni viable ni enviable. Les
prêtres ne touchent une retraite indexée sur le SMIC que depuis 1997. La
grande majorité d'entre eux reçoit moins que le SMIC comme salaire réel
mensuel »... La proposition n'est pas faite explicitement, mais on devine
le non-dit : prêtres, devenez donc des fonctionnaires, c'est tellement
plus confortable !...
Une
telle sécurité acquise doit avoir un prix. Sarkozy n'hésite donc pas à
continuer : si l'Etat qu'il représente pourrait bien s'engager vis-à-vis
de l'Eglise, il faudrait que la réciproque soit vraie et que l'Eglise
s'engage vis-à-vis de l'Etat : « En ce qui concerne la formation des
ministres du culte, notre pays a intérêt que celle-ci soit compatible
avec l'esprit et la pratique de la République » prévient le bouillant
petit homme, avant de proposer immédiatement une compensation : « Aider
à la formation des prêtres permettrait d'assouplir les contraintes
budgétaires qui pèsent sur celle-ci ». Et d'enchaîner, au cas où le
Père Verdin, son interlocuteur n'aurait pas compris de quoi il était
question : « Il est regrettable que l'attrait du séminaire pâtisse des
conditions de vie faites aux étudiants et aux prêtres... ».
Bref
Nicolas Sarkozy se comporte avec l'Eglise catholique en bienfaiteur qui
fait des cadeaux pour mieux tenir son obligé ou même en syndic de
faillite, que l'affaire aurait pu intéresser et qui propose de la gérer
autrement... Il a son avis sur tout, allant jusqu'à proposer lui-même
tel sujet d'homélie. De façon plus immédiate, il prévient que son
premier objectif, c'est de régler le problème des églises de campagne :
« Je ne suis pas très sensible à la sanctification des lieux. Un lieu
qui a été consacré à la religion, tant qu'il tient debout (sic), ne
devrait pas être perdu pour toute autre activité s'il est désaffecté
». Entretenir « une église où se réunissent trois paroissiens
une fois tous les mois », c'est « poursuivre une chimère ». « Qu'une
église soit transformée en une salle communale, où est le problème ?
».
Le
pragmatisme du petit Nicolas devrait nous faire froid dans le dos, à nous
catholiques ! Vis à vis de l'islam, en revanche, son attitude est moins
hautaine, même si elle participe de ce jeu malsain que Marcel Mauss
nommait la logique du don. « L'islam est une religion française »
déclare-t-il tout de go. Il faut donc que les musulmans de France aient
des Mosquées. Comment faire ? « Le financement du lieu de culte
proprement dit doit être laissé aux fidèles, ce qui est normal et
préférable ; en revanche, les annexes, le parking, la salle culturelle
et non pas cultuelle, peuvent recevoir des aides. Il faudrait aussi
développer l'utilisation de baux emphytéotiques pour la mise à
disposition de terrains par les collectivités publiques ». Bref, par la
bouche de l'ex-ministre des Cultes, d'un côté, l'Etat se déclare prêt
à désaffecter les églises vides ; de l'autre, il est disposé à offrir
aux musulmans tout ce qui fait une mosquée - sauf le carrelage de la
salle de prière... |