M.
l’abbé, vous auriez beaucoup de raisons d’intervenir dans notre
feuille d’information Pacte, puisque en tant que supérieur du District
de France de la Fraternité Saint-Pie-X, depuis deux ans, vous vous
multipliez sur tous les fronts. Mais vous souhaitez insister ici sur l’une
des réalisations de votre mandat : le symposium de théologie, qui se
déroule à huis clos, chaque année au mois d’octobre à l’Institut
universitaire Saint-Pie-X et qui, pour la troisième année, apporte une
critique méthodique des documents du Concile Vatican II. Pouvez-vous nous
dire quelques mots de cette activité de votre district ?
Il
m’a semblé très important, pour manifester l’unité de tous les
confrères du district, d’entreprendre ce travail sur les textes du
concile Vatican II. C’est un examen précis des textes qui permet à
chacun de clarifier son propre regard. Nous avançons ainsi ensemble
dans la joie intérieure que confère l’étude de la vérité catholique
: gaudium de veritate comme dit saint Paul. Il est essentiel que les
prêtres trouvent le temps d’étudier, surtout aujourd’hui, dans la
situation troublée où se trouve l’Eglise. Notre symposium montre que
cette étude ne constitue pas un luxe sans conséquences, mais qu’elle
porte du fruit.
Mais
il n’y a pas que des prêtres, il y a aussi des laïcs qui s’associent
à votre démarche. Redites-nous comment s’organise ce symposium ?
Nous
demandons à tous les participants – prêtres ou laïcs – de préparer
une intervention de vingt-cinq minutes environ. Il y a soixante ou
soixante-dix intervenants regroupés en six commissions différentes,
reprenant l’ensemble des thèmes spécifiques du Concile. Chacune de ces
commissions est dirigée par un peritus, issu de la Fraternité
Saint-Pie-X ou du Couvent des dominicains d’Avrillé (près d’Angers).
L’abbé de Tanoüarn dirige la première sur l’anthropologie
conciliaire (la nouvelle conception de l’homme qui s’y fait jour)...
Et
je crois que c’est au sein de cette commission que vous intervenez
vous-même ? peut-on savoir de quel sujet vous traitez, pour donner à nos
lecteurs une idée concrète du travail réalisé ?
C’est
exact : je suis intervenu la première année sur une déclaration
conciliaire peu connue Grave educationis momentum et j’ai montré
combien la dérive actuelle de l’enseignement catholique s’expliquait
à travers ce texte de Vatican II. L’année dernière, j’ai changé
légèrement de registre et j’ai insisté sur des documents de l’époque
en montrant par quels arguments celui qui était encore Mgr Wojtyla
défendait la liberté religieuse au Concile. En étudiant Vatican II, on
s’aperçoit qu’il y a une profonde cohérence entre l’enseignement
de ce Concile et son application aujourd’hui. Je voudrais en profiter
pour rappeler que les principales interventions du premier Symposium ont
été publiées sous l’égide des dominicains d’Avrillé. Le titre ?
« La religion de Vatican II » (toujours disponible pour 32 euros franco
au Monastère d’Avrillé). Le deuxième Symposium est en cours de
publication.
Reprenons
donc l’organisation de ces symposiums...
Outre
la commission d’anthropologie, il y a d’autres commissions plus
théologiques : cette année, c’est M. l’abbé Gleize, professeur à
Ecône, qui dirige la commission sur l’Eglise. Le Père Pierre Marie
dirige, lui, une commission sur l’oecuménisme et le dialogue
interreligieux. L’abbé Christophe Héry dirige la commission de
liturgie. Le Père Emmanuel Marie s’occupe de la constitution Dei Verbum
: il travaille sur un sujet un peu technique mais qui est d’une
importance capitale, les sources de la foi. Enfin l’abbé Thouvenot,
recteur de l’Institut universitaire saint-Pie-X regroupe un certain
nombre d’interventions sur l’histoire du Concile. Il faut ajouter à
ce découpage en six commissions un découpage en quatre ans : la
première année nous avons défini ce que nous avons nommé la religion
de Vatican II, en proposant un résumé organique de cette religion dans
une première déclaration finale. L’année dernière nous avons
insisté sur Vatican II religion de la conscience. La déclaration finale,
de haute qualité, est un travail vraiment collectif, qui devra être
publié prochainement...
Vous
pensez que chaque année qui passe apporte un progrès à la réflexion...
C’est
dans l’ordre des choses en tout cas. Nous nous sommes fixé un
programme, qui est en cours de réalisation. Cette année, nous abordons
la question de l’unité spirituelle du genre humain. Il est étonnant de
considérer que cette idée (et la notion de rédemption universelle qui
lui est connexe) ne se trouvent pas dans la Tradition chrétienne. Elles
sont étrangères à la Révélation. Et en même temps, elles sont au
centre du concile Vatican II. Il y a là une énorme difficulté, que les
protagonistes du Concile ne semblent pas avoir aperçue et qui constitue
une véritable bombe à retardement pour l’Eglise dans sa pastorale et
dans sa capacité à transmettre la foi. Que reste-t-il de la Mission de l’Eglise
si dès aujourd’hui tout le monde est sauvé ? On est en train de se
rendre compte au plus haut niveau dans l’Eglise conciliaire que la crise
n’était ni un rhume des foins saisonnier, ni une crise de croissance
temporaire qu’une bonne réception du Concile Vatican II permettrait de
surmonter. Non la crise est un état qui va durer et s’aggraver, qui s’aggrave
déjà. Tout se passe comme si le ressort de l’institution était
cassé. La transmission de la foi ne se fait plus. Pourquoi ? Ne cherchons
pas plus loin : on a cru intelligent de supprimer la crainte de Dieu chez
les fidèles et de relativiser la question du salut. Evidemment du coup,
on a vidé les églises, car les gens, c’est bien de cela qu’ils
veulent qu’on leur parle, de leur salut. Si l’on n’en parle plus, si
l’on prétend que la question est réglée d’avance, ne nous étonnons
pas de faire le vide !
Vous
ne pensez pas que l’Eglise conciliaire puisse un jour se réformer de l’intérieur,
en revenant petit à petit à la Tradition ?
Je
crois qu’il serait parfaitement vain d’être un réformiste. Vatican
II constitue un ensemble cohérent de pensée, une véritable religion
nouvelle. Il faudra que l’Église conciliaire donne des signes forts qui
montreront qu’elle s’en détourne. Il ne m’appartient pas de dire
lesquels, mais ce que l’on peut contribuer à montrer, c’est que tant
que ces textes de Vatican II seront en vigueur, l’efficacité pastorale
de l’Église se trouvera fortement compromise et comme annulée... |