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« Je crois qu’il est parfaitement vain d’être un réformiste »

Entretien avec l'abbé de Cacqueray - Propos recueillis par Jean Michel Hardy

Pacte n°86 - mai 2004

M. l’abbé, vous auriez beaucoup de raisons d’intervenir dans notre feuille d’information Pacte, puisque en tant que supérieur du District de France de la Fraternité Saint-Pie-X, depuis deux ans, vous vous multipliez sur tous les fronts. Mais vous souhaitez insister ici sur l’une des réalisations de votre mandat : le symposium de théologie, qui se déroule à huis clos, chaque année au mois d’octobre à l’Institut universitaire Saint-Pie-X et qui, pour la troisième année, apporte une critique méthodique des documents du Concile Vatican II. Pouvez-vous nous dire quelques mots de cette activité de votre district ?

Il m’a semblé très important, pour manifester l’unité de tous les confrères du district, d’entreprendre ce travail sur les textes du concile Vatican II. C’est un examen précis des textes qui permet à chacun de clarifier son propre regard. Nous avançons ainsi ensemble  dans la joie intérieure que confère l’étude de la vérité catholique : gaudium de veritate comme dit saint Paul. Il est essentiel que les prêtres trouvent le temps d’étudier, surtout aujourd’hui, dans la situation troublée où se trouve l’Eglise. Notre symposium montre que cette étude ne constitue pas un luxe sans conséquences, mais qu’elle porte du fruit.

Mais il n’y a pas que des prêtres, il y a aussi des laïcs qui s’associent à votre démarche. Redites-nous comment s’organise ce symposium ?

Nous demandons à tous les participants – prêtres ou laïcs – de préparer une intervention de vingt-cinq minutes environ. Il y a soixante ou soixante-dix intervenants regroupés en six commissions différentes, reprenant l’ensemble des thèmes spécifiques du Concile. Chacune de ces commissions est dirigée par un peritus, issu de la Fraternité Saint-Pie-X ou du Couvent des dominicains d’Avrillé (près d’Angers). L’abbé de Tanoüarn dirige la première sur l’anthropologie conciliaire (la nouvelle conception de l’homme qui s’y fait jour)...

Et je crois que c’est au sein de cette commission que vous intervenez vous-même ? peut-on savoir de quel sujet vous traitez, pour donner à nos lecteurs une idée concrète du travail réalisé ?

C’est exact : je suis intervenu la première année sur une déclaration conciliaire peu connue Grave educationis momentum et j’ai montré combien la dérive actuelle de l’enseignement catholique s’expliquait à travers ce texte de Vatican II. L’année dernière, j’ai changé légèrement de registre et j’ai insisté sur des documents de l’époque en montrant par quels arguments celui qui était encore Mgr Wojtyla défendait la liberté religieuse au Concile. En étudiant Vatican II, on s’aperçoit qu’il y a une profonde cohérence entre l’enseignement de ce Concile et son application aujourd’hui. Je voudrais en profiter pour rappeler que les principales interventions du premier Symposium ont été publiées sous l’égide des dominicains d’Avrillé. Le titre ? « La religion de Vatican II » (toujours disponible pour 32 euros franco au Monastère d’Avrillé). Le deuxième Symposium est en cours de publication.

Reprenons donc l’organisation de ces symposiums...

Outre la commission d’anthropologie, il y a d’autres commissions plus théologiques : cette année, c’est M. l’abbé Gleize, professeur à Ecône, qui dirige la commission sur l’Eglise. Le Père Pierre Marie dirige, lui, une commission sur l’oecuménisme et le dialogue interreligieux. L’abbé Christophe Héry dirige la commission de liturgie. Le Père Emmanuel Marie s’occupe de la constitution Dei Verbum : il travaille sur un sujet un peu technique mais qui est d’une importance capitale, les sources de la foi. Enfin l’abbé Thouvenot, recteur de l’Institut universitaire saint-Pie-X regroupe un certain nombre d’interventions sur l’histoire du Concile. Il faut ajouter à ce découpage en six commissions un découpage en quatre ans : la première année nous avons défini ce que nous avons nommé la religion de Vatican II, en proposant un résumé organique de cette religion dans une première déclaration finale. L’année dernière nous avons insisté sur Vatican II religion de la conscience. La déclaration finale, de haute qualité, est un travail vraiment collectif, qui devra être publié prochainement...

Vous pensez que chaque année qui passe apporte un progrès à la réflexion...

C’est dans l’ordre des choses en tout cas. Nous nous sommes fixé un programme, qui est en cours de réalisation. Cette année, nous abordons la question de l’unité spirituelle du genre humain. Il est étonnant de considérer que cette idée (et la notion de rédemption universelle qui lui est connexe) ne se trouvent pas dans la Tradition chrétienne. Elles sont étrangères à la Révélation. Et en même temps, elles sont au centre du concile Vatican II. Il y a là une énorme difficulté, que les protagonistes du Concile ne semblent pas avoir aperçue et qui constitue une véritable bombe à retardement pour l’Eglise dans sa pastorale et dans sa capacité à transmettre la foi. Que reste-t-il de la Mission de l’Eglise si dès aujourd’hui tout le monde est sauvé ? On est en train de se rendre compte au plus haut niveau dans l’Eglise conciliaire que la crise n’était ni un rhume des foins saisonnier, ni une crise de croissance temporaire qu’une bonne réception du Concile Vatican II permettrait de surmonter. Non la crise est un état qui va durer et s’aggraver, qui s’aggrave déjà. Tout se passe comme si le ressort de l’institution était cassé. La transmission de la foi ne se fait plus. Pourquoi ? Ne cherchons pas plus loin : on a cru intelligent de supprimer la crainte de Dieu chez les fidèles et de relativiser la question du salut. Evidemment du coup, on a vidé les églises, car les gens, c’est bien de cela qu’ils veulent qu’on leur parle, de leur salut. Si l’on n’en parle plus, si l’on prétend que la question est réglée d’avance, ne nous étonnons pas de faire le vide !

Vous ne pensez pas que l’Eglise conciliaire puisse un jour se réformer de l’intérieur, en revenant petit à petit à la Tradition ?

Je crois qu’il serait parfaitement vain d’être un réformiste. Vatican II constitue un ensemble cohérent de pensée, une véritable religion nouvelle. Il faudra que l’Église conciliaire donne des signes forts qui montreront qu’elle s’en détourne. Il ne m’appartient pas de dire lesquels, mais ce que l’on peut contribuer à montrer, c’est que tant que ces textes de Vatican II seront en vigueur, l’efficacité pastorale de l’Église se trouvera fortement compromise et comme annulée...