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Saint-Eloi à Bordeaux : une paroisse pilote

Propos recueillis par Jean Michel Hardy

Pacte n°85 - avril 2004

On sait que la ville de Bordeaux possède désormais en plein centre ville une église vouée au culte catholique traditionnel, depuis quelque dix-huit mois. L’abbé Philippe Laguérie, ancien curé de Saint-Nicolas-du-Chardonnet à Paris, y a déployé son savoir faire et son charisme : l’église ne désemplit pas, alors même que l’ancien centre de messe traditionnelle, la chapelle Notre Dame du Bon Conseil, situé près de la barrière de Médoc, est resté en service lui aussi. Alors que dix-huit mois après, la radio et la télévision reparlent de saint Eloi, nous sommes allés demander à l’abbé Christophe Héry, en poste à Bordeaux depuis plusieurs années et qui connaît parfaitement le dossier, de faire le point pour les lecteurs de Pacte sur les nouvelles menaces qui planent sur Saint-Eloi...


Monsieur l’abbé, que vous arrive-t-il ?

Il faudrait peut-être pour comprendre ce qui se passe en ce moment revenir en quelques mots sur ce qui s’est passé à Saint-Eloi depuis plus de 30 ans. Il y a une Mémoire de Saint Eloi... Comme dit l’Ecriture « si je me tais, les pierres crieront ». Saint-Eloi, paroisse centrale à Bordeaux où autrefois les jurats (magistrats municipaux) venaient prêter un serment de fidélité a été abandonnée par le diocèse en 1973. Elle est rapidement devenue un squat, dont la réputation avait même dépassé nos frontières. En 1980, des Kurdes clandestins y ont été introduits par le clergé (c’est l’actuel curé de la cathédrale, l’abbé de Menditte, qui a eu cette brillante idée). Résultat : statues mutilées, autel renversé boiseries brûlées et saccagées, autel de la Vierge réduit en miettes. Et, ce qui est la douleur des mélomanes, grandes orgues historiques dévastées à la batte de base-ball ; la tempête de 1999 n’a pas fait plus de ravages dans le Médoc que cette barbarie qui a dévasté la forêt de 2000 tuyaux sur trois étages de sommier ! Bref, l’église a été vandalisée et livrée à ses occupants illégaux pendant vingt ans, sans que l’évêché ne s’en préoccupe le moins du monde. En 1993, sur demande du Maire, désireux de faire cesser ce scandale, l’évêque donne les clés à la municipalité pour organiser dans les murs de Saint-Eloi un centre de traitement et un entrepôt des archives municipales. Les fonctionnaires de la Municipalité ont donc trié officiellement des tonnes d’archives de manière parfaitement officielle : rien à voir avec les clandestins précédents. Et puis le 28 janvier 2002, Alain Juppé a fait voter au conseil municipal l’attribution de l’église à l’association église Saint-Eloi, pour la restaurer, la rouvrir et la rendre à sa destination originelle. Après un premier nettoyage, l’église sera rouverte en septembre 2002 et inaugurée par M. l’abbé de Cacqueray, supérieur du district de France de la FSSPX.

Et depuis ce temps, tout fonctionne normalement...

Saint-Eloi est redevenue une communauté chrétienne dynamique au cœur de la ville. Et bien sûr la restauration progresse : les vitraux du chœur, qui avaient été méthodiquement cassés, sont refaits, le chœur du XVème a recouvré ses couleurs ! Le grand orgue a été démonté et se trouve depuis un an aux ateliers du facteur d’orgues Hédelin. Ce dernier projet est long et particulièrement coûteux (1,7 million de F) mais il avance rapidement. Bien que l’église soit monument historique, la Drac, qui accorde les autorisations de travaux, ne donne aucune subvention à Saint-Eloi. Pendant ce temps, MgrRicard, archevêque de Bordeaux et actuel président de la Conférence épiscopale française a jugé bon de s’allier au leader socialiste Alain Savary pour engager une action en justice, attaquant la décision d’Alain Juppé et du Conseil Municipal. Dans la rue, il a été relayé par l’Extrême gauche, en particulier par un curieux groupe anarcho-bobo, Utopia.

Quel était l’enjeu récent ?

L’association église Saint-Eloi avait décidé de faire appel du jugement d’instance, qui avait eu lieu le 20 décembre 2002. Elle attaquait à la fois pour vice de forme (car Savary et Ricard auraient dû recourir par lettre auprès du Maire, avant de saisir le Tribunal Administratif) et aussi sur le fond (car le Tribunal Administratif n’avait pas voulu considérer le problème de la désaffectation de l’église en 1993). Le 27 avril dernier, la cour d’appel de Bordeaux a donc rendu son arrêt, confirmant en partie le jugement du tribunal d’instance. C’est ainsi que la délibération du Conseil municipal a été déclarée entachée d’excès de pouvoir. En revanche, la convention signée le 30 janvier 2002 entre Alain Juppé et Jean François Pierron, président de l’association église Saint-Eloi n’est pas attaquée par la Cour. Elle est donc maintenue en vigueur et la requête de Ricard et Savary sur ce point, est rejetée comme en première instance. De plus la Cour fait apparaître le vide juridique de Saint-Eloi sur un point de droit fondamental: selon les considérants de l’arrêt, la désaffectation de Saint-Eloi n’a pas été prononcée en bonne et due forme. Cependant la Cour reconnaît qu’il y a bien eu une décision de la Mairie (lettre du 30 juin 1993) et un consentement écrit de l’évêché (lettre du 16 août 1993), pour remettre l’église à la disposition des services municipaux. On pourrait dire qu’à l’inverse de ce qui s’est passé en première instance et contrairement aux requêtes de Savary et de Ricard, la cour d’appel admet aujourd’hui qu’a bien eu lieu une désaffectation effective. Elle confirme ainsi d’ailleurs l’avis du Préfet de la Gironde, dans une lettre du 9 mai 2001 : «Désaffectée, l’église Saint-Eloi est utilisée par la mairie à d’autres fins que le culte. » C’était évidemment la position du Conseil Municipal de Bordeaux en janvier 2002.

Vous parlez de vide juridique... Vous entendez être, si je vous suis bien, les défenseurs de la loi, contre l’abus que l’on peut en faire...

Il y a effectivement un vide juridique entre le fait de la désaffectation et le droit. Il appartiendra désormais au Conseil d’Etat, que nous allons saisir, de le combler... Je crois que c’est le quotidien Sud-Ouest qui a le mieux saisi les enjeux juridiques graves de cette affaire Saint-Eloi en titrant : « le détournement de la loi de 1905». Ce n’est pas un cas d’école. Il en va du sort des milliers d’églises vides et fermées. Les évêques pourront-ils impunément abandonner leur responsabilité sur ces édifices, comme cela s’est passé à Saint-Eloi entre 1973 et 1993, alors que la loi de 1905 stipule clairement que les bâtiments ne doivent servir qu’au culte ? Autre cas de figure, autre excès : les évêques pourront-ils désormais utiliser les églises pour en faire ce que bon leur semble, tout en en gardant la disposition ? Ce n’est ni l’esprit ni la lettre de la loi de 1905... C’est pourtant ce qui ressort du récent jugement de la cour d’appel.

Aujourd’hui, aucune des parties n’a intérêt à ce que l’association quitte Saint-Eloi. Nous y resterons donc. Dans cette perspective, il faut que la restauration de l’église avance le plus vite possible. Vous pouvez adresser d’urgence vos dons à Eglise Saint-Eloi, 58 bd Franklin Roosevelt 33800 Bordeaux. Reçu fiscal par retour.