On
sait que la ville de Bordeaux possède désormais en plein centre ville
une église vouée au culte catholique traditionnel, depuis quelque
dix-huit mois. L’abbé Philippe Laguérie, ancien curé de
Saint-Nicolas-du-Chardonnet à Paris, y a déployé son savoir faire et
son charisme : l’église ne désemplit pas, alors même que l’ancien
centre de messe traditionnelle, la chapelle Notre Dame du Bon Conseil,
situé près de la barrière de Médoc, est resté en service lui aussi.
Alors que dix-huit mois après, la radio et la télévision reparlent de
saint Eloi, nous sommes allés demander à l’abbé Christophe Héry, en
poste à Bordeaux depuis plusieurs années et qui connaît parfaitement le
dossier, de faire le point pour les lecteurs de Pacte sur les nouvelles
menaces qui planent sur Saint-Eloi...
Monsieur
l’abbé, que vous arrive-t-il ?
Il
faudrait peut-être pour comprendre ce qui se passe en ce moment revenir
en quelques mots sur ce qui s’est passé à Saint-Eloi depuis plus de 30
ans. Il y a une Mémoire de Saint Eloi... Comme dit l’Ecriture «
si je me tais, les pierres crieront ». Saint-Eloi, paroisse centrale
à Bordeaux où autrefois les jurats (magistrats municipaux) venaient
prêter un serment de fidélité a été abandonnée par le diocèse en
1973. Elle est rapidement devenue un squat, dont la réputation avait
même dépassé nos frontières. En 1980, des Kurdes clandestins y ont
été introduits par le clergé (c’est l’actuel curé de la
cathédrale, l’abbé de
Menditte, qui a eu cette brillante idée). Résultat : statues
mutilées, autel renversé boiseries brûlées et saccagées, autel de la
Vierge réduit en miettes. Et, ce qui est la douleur des mélomanes,
grandes orgues historiques dévastées à la batte de base-ball ; la
tempête de 1999 n’a pas fait plus de ravages dans le Médoc que cette
barbarie qui a dévasté la forêt de 2000 tuyaux sur trois étages de
sommier ! Bref, l’église a été vandalisée et livrée à ses
occupants illégaux pendant vingt ans, sans que l’évêché ne s’en
préoccupe le moins du monde. En 1993, sur demande du Maire, désireux de
faire cesser ce scandale, l’évêque donne les clés à la municipalité
pour organiser dans les murs de Saint-Eloi un centre de traitement et un
entrepôt des archives municipales. Les fonctionnaires de la Municipalité
ont donc trié officiellement des tonnes d’archives de manière
parfaitement officielle : rien à voir avec les clandestins précédents.
Et puis le 28 janvier 2002, Alain
Juppé a fait voter au conseil municipal l’attribution de l’église
à l’association église Saint-Eloi, pour la restaurer, la rouvrir et la
rendre à sa destination originelle. Après un premier nettoyage, l’église
sera rouverte en septembre 2002 et inaugurée par M. l’abbé de
Cacqueray, supérieur du district de France de la FSSPX.
Et
depuis ce temps, tout fonctionne normalement...
Saint-Eloi
est redevenue une communauté chrétienne dynamique au cœur de la ville.
Et bien sûr la restauration progresse : les vitraux du chœur, qui
avaient été méthodiquement cassés, sont refaits, le chœur du XVème a
recouvré ses couleurs ! Le grand orgue a été démonté et se trouve
depuis un an aux ateliers du facteur d’orgues Hédelin. Ce dernier
projet est long et particulièrement coûteux (1,7 million de F) mais il
avance rapidement. Bien que l’église soit monument historique, la Drac,
qui accorde les autorisations de travaux, ne donne aucune subvention à
Saint-Eloi. Pendant ce temps, MgrRicard,
archevêque de Bordeaux et actuel président de la Conférence épiscopale
française a jugé bon de s’allier au leader socialiste Alain
Savary pour engager une action en justice, attaquant la décision d’Alain
Juppé et du Conseil Municipal. Dans la rue, il a été relayé par l’Extrême
gauche, en particulier par un curieux groupe anarcho-bobo, Utopia.
Quel
était l’enjeu récent ?
L’association
église Saint-Eloi avait décidé de faire appel du jugement d’instance,
qui avait eu lieu le 20 décembre 2002. Elle attaquait à la fois pour
vice de forme (car Savary et Ricard auraient dû recourir par lettre
auprès du Maire, avant de saisir le Tribunal Administratif) et aussi sur
le fond (car le Tribunal Administratif n’avait pas voulu considérer le
problème de la désaffectation de l’église en 1993). Le 27 avril
dernier, la cour d’appel de Bordeaux a donc rendu son arrêt, confirmant
en partie le jugement du tribunal d’instance. C’est ainsi que la
délibération du Conseil municipal a été déclarée entachée d’excès
de pouvoir. En revanche, la convention signée le 30 janvier 2002 entre
Alain Juppé et Jean
François Pierron, président de l’association église Saint-Eloi n’est
pas attaquée par la Cour. Elle est donc maintenue en vigueur et la
requête de Ricard et Savary sur ce point, est rejetée comme en première
instance. De plus la Cour fait apparaître le vide juridique de Saint-Eloi
sur un point de droit fondamental: selon les considérants de l’arrêt,
la désaffectation de Saint-Eloi n’a pas été prononcée en bonne et
due forme. Cependant la Cour reconnaît qu’il y a bien eu une décision
de la Mairie (lettre du 30 juin 1993) et un consentement écrit de l’évêché
(lettre du 16 août 1993), pour remettre l’église à la disposition des
services municipaux. On pourrait dire qu’à l’inverse de ce qui s’est
passé en première instance et contrairement aux requêtes de Savary et
de Ricard, la cour d’appel admet aujourd’hui qu’a bien eu lieu une
désaffectation effective. Elle confirme ainsi d’ailleurs l’avis du
Préfet de la Gironde, dans une lettre du 9 mai 2001 : «Désaffectée,
l’église Saint-Eloi est utilisée par la mairie à d’autres fins que
le culte. » C’était évidemment la position du Conseil Municipal
de Bordeaux en janvier 2002.
Vous
parlez de vide juridique... Vous entendez être, si je vous suis bien, les
défenseurs de la loi, contre l’abus que l’on peut en faire...
Il
y a effectivement un vide juridique entre le fait de la désaffectation et
le droit. Il appartiendra désormais au Conseil d’Etat, que nous allons
saisir, de le combler... Je crois que c’est le quotidien Sud-Ouest
qui a le mieux saisi les enjeux juridiques graves de cette affaire
Saint-Eloi en titrant : «
le détournement de la loi de 1905». Ce n’est pas un cas d’école.
Il en va du sort des milliers d’églises vides et fermées. Les
évêques pourront-ils impunément abandonner leur responsabilité sur ces
édifices, comme cela s’est passé à Saint-Eloi entre 1973 et 1993,
alors que la loi de 1905 stipule clairement que les bâtiments ne doivent
servir qu’au culte ? Autre cas de figure, autre excès : les évêques
pourront-ils désormais utiliser les églises pour en faire ce que bon
leur semble, tout en en gardant la disposition ? Ce n’est ni l’esprit
ni la lettre de la loi de 1905... C’est pourtant ce qui ressort du
récent jugement de la cour d’appel.
Aujourd’hui,
aucune des parties n’a intérêt à ce que l’association quitte
Saint-Eloi. Nous y resterons donc. Dans cette perspective, il faut que la
restauration de l’église avance le plus vite possible. Vous
pouvez adresser d’urgence vos dons à Eglise Saint-Eloi, 58 bd Franklin
Roosevelt 33800 Bordeaux. Reçu fiscal par retour. |