Dans
le droit fil de son maçon d'ancêtre Jules Ferry, Luc Ferry, ministre de
l'Education nationale, souhaite relancer l'instruction civique à
l'école. Il a donc adressé un «
guide républicain » aux chefs d'établissements et enseignants pour
leur rappeler « les valeurs de la laïcité et de la vie commune ».
Il n'est qu'un condensé de tout ce que la logomachie officielle offre en
matière de politiquement correct.
Selon
le ministre, ce guide se veut un « accompagnement positif de la loi
sur les signes religieux » et un « outil pédagogique pour aider
les équipes enseignantes dans la lutte contre la montée des
affrontements communautaires et leurs dérives racistes et antisémites.
» Il propose notamment un abécédaire, une anthologie et une
filmographie.
Les
titres exposés dans l'Anthologie annoncent la couleur, si l'on ose dire :
L'Affiche rouge d'Aragon ; Le Racisme expliqué à ma fille de
Tahar
Ben Jelloun ;
Lettre d'un musulman européen. L'Europe et la renaissance de l'islam, d'Abdennour
Bidar ;
le discours de Léon
Blum au
IXe congrès de la Ligue internationale contre l'antisémitisme
; les interventions d'Aristide
Briand à
la chambre des députés durant la discussion du projet de loi de
séparation des Eglises et de l'Etat ; le Discours sur le colonialisme d'Aimé
Césaire ;
un texte de Jaurès
«
aux instituteurs et institutrices » ;
une Note sur l'Algérie de Pierre Mendes-France
;
des chansons de Pierre
Perret ou
du groupe Zebda ; le Rapport présenté à la Convention par
Robespierre
;
L'Algérie en 1957, par la stalinienne Germaine
Tillon, etc.
Au
milieu de ce salmigondis gauchisant flottent le Petit Prince de Saint-Exupéry,
qui doit se demander ce qu'il fiche là, deux textes de Charles
Péguy, et
l'Edit de Nantes du bon roi Henri,
qui
n'avait pas mérité ça !
La
filmographie est du même acabit. Les grands thèmes qu'elle est censée
illustrer s'inscrivent dans la même veine d'une éthique homologuée
politiquement correcte : « l'absurdité du racisme », « la seconde
guerre mondiale, l'antisémitisme et le crime contre l'humanité », «
les combats pour la dignité de la personne », « les violences sociales,
les crises et les guerres », « le racisme et l'immigration », sans
oublier «
République, religion et laïcité »...
Les
films sur les camps de concentration (Shoah, Nuit et brouillard...) voisinent
avec Le Dictateur de Charlie
Chaplin et
Vichy et les Juifs : d'où l'on conclura sans doute que la France
est responsable du génocide des Juifs. Au passage, le film Autopsie
d'un mensonge : le négationnisme aborde « le rapport entre le
catholicisme et le négationnisme », à travers... « l'affaire du
carmel d'Auschwitz » ! « L'absurdité du racisme » et la
cruauté de la guerre sont démontrées par le biais A'Elise ou la
vraie vie, Avoir 20 ans dans les Aurès, ou Le Vent des Aurès, toutes
histoires mettant en scène de gentils fellaghas et d'aimables pacifistes
en proie à l'odieux impérialisme français. (Pour faire bon poids, Les
Sentiers de la gloire, de Kubrick,
rappellera
à nos « instits » syndiqués que les généraux français de
14-18 étaient tous des ordures assoiffées de sang.) Quant à la partie
de la filmographie axée sur « Le racisme et l'immigration », elle
propose Ici et là-bas : paroles d'immigrés ; Pas d'histoires !
12 regards sur lé racisme quotidien, ou encore L'Esprit des lois -
Contre le racisme, qui louange notamment la loi Gayssot.
Une
même moralité : personne il est beau, tout le monde il est raciste.
Reste
le plat principal, avec l'abécédaire. Sous des rubriques intitulées «
Antiracisme », « Communautarisme », « Crime contre l'Humanité », «
Droit à la différence », « Ecole et République », « Egalité des
chances », « Laïcité », « Mixité », « Nation », « Racisme »,
« Religion », « République », « Sexisme », « Tolérance », etc.,
il présente une revue exhaustive du prêt à penser le plus affligeant,
servi par des autorités morales du calibre de Michel
Wieviorka, Elisabeth Badinter, André Comte-Sponville, Marek Halter,
Bernard Stasi, Tahar Ben Jelloun -
j'en passe et des moins bons !
On
y apprend par exemple que « la République n’est pas réductible à
un régime politique : c'est l'idéal d'une société d'hommes libres,
épris de justice et de paix, que chacun est tenu de servir par l'esprit
civique » ; que « le souci du bien commun, le sens de la
citoyenneté, la recherche de la justice, la volonté d'une solidarité
démocratique restent parmi les premiers objectifs des gouvernements
républicains » (Chirac
et
Juppé
sont
au courant ?) ; qu'« en Europe comme en Amérique du Nord, nombreuses
sont les professions, notamment dans les élites dirigeantes, à qui
restent (sic) réservées aux mâles (re-sic) », tandis
que les femmes s'y « battent pour devenir des êtres humains à part
entière », dont la « dignité rejoint celle de tous les
opprimés, de tous les humiliés et concerne chacun de nous au plus
profond » (dixit Pascal
Bruckner, article
Sexisme)...
De
l'ensemble se dégage une impression de jactance satisfaite et pédante
qui finit par créer un effet franchement comique.
Notre
Grand prix du rire est décerné à Michelle
Perrot, auteur
de l'article Mixité, qui écrit que, grâce à ladite mixité,
l'institution scolaire est « devenue le lieu privilégié de la
rencontre des sexes ». Vive les travaux pratiques ?
A
qui et à quoi tout ça servira-t-il ? Le ministre espère-t-il vraiment
contrer avec cette accumulation de poncifs la montée du racisme et des
prétendus « communautarismes » : en d'autres termes, le
prolongement du conflit du Proche-Orient et l'avènement du
fondamentalisme musulman au sein des établissements scolaires français ?
Ou imagine-t-il qu'il y suffira de présenter aux partis en présence le
personnage d'E.T. l'extra-terrestre (le film de Spielberg
figure
dans la filmographie) en symbole de la tolérance ?
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à revoir. Zéro pointé. |