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Le Guide républicain du politiquement correct

Henri Langeau

Pacte n°84 - 26 mars 2004

Dans le droit fil de son maçon d'ancêtre Jules Ferry, Luc Ferry, ministre de l'Education nationale, souhaite relancer l'instruction civique à l'école. Il a donc adressé un « guide républicain » aux chefs d'établissements et enseignants pour leur rappeler « les valeurs de la laïcité et de la vie commune ». Il n'est qu'un condensé de tout ce que la logomachie officielle offre en matière de politiquement correct.

Selon le ministre, ce guide se veut un « accompagnement positif de la loi sur les signes religieux » et un « outil pédagogique pour aider les équipes enseignantes dans la lutte contre la montée des affrontements communautaires et leurs dérives racistes et antisémites. » Il propose notamment un abécédaire, une anthologie et une filmographie.

Les titres exposés dans l'Anthologie annoncent la couleur, si l'on ose dire : L'Affiche rouge d'Aragon ; Le Racisme expliqué à ma fille de Tahar Ben Jelloun ; Lettre d'un musulman européen. L'Europe et la renaissance de l'islam, d'Abdennour Bidar ; le discours de Léon Blum au IXe congrès de la Ligue internationale contre l'antisémitisme ; les interventions d'Aristide Briand à la chambre des députés durant la discussion du projet de loi de séparation des Eglises et de l'Etat ; le Discours sur le colonialisme d'Aimé Césaire ; un texte de Jaurès « aux instituteurs et institutrices » ; une Note sur l'Algérie de Pierre Mendes-France ; des chansons de Pierre Perret ou du groupe Zebda ; le Rapport présenté à la Convention par Robespierre ; L'Algérie en 1957, par la stalinienne Germaine Tillon, etc.

Au milieu de ce salmigondis gauchisant flottent le Petit Prince de Saint-Exupéry, qui doit se demander ce qu'il fiche là, deux textes de Charles Péguy, et l'Edit de Nantes du bon roi Henri, qui n'avait pas mérité ça !

La filmographie est du même acabit. Les grands thèmes qu'elle est censée illustrer s'inscrivent dans la même veine d'une éthique homologuée politiquement correcte : « l'absurdité du racisme », « la seconde guerre mondiale, l'antisémitisme et le crime contre l'humanité », « les combats pour la dignité de la personne », « les violences sociales, les crises et les guerres », « le racisme et l'immigration », sans oublier « République, religion et laïcité »...

Les films sur les camps de concentration (Shoah, Nuit et brouillard...) voisinent avec Le Dictateur de Charlie Chaplin et Vichy et les Juifs : d'où l'on conclura sans doute que la France est responsable du génocide des Juifs. Au passage, le film Autopsie d'un mensonge : le négationnisme aborde « le rapport entre le catholicisme et le négationnisme », à travers... « l'affaire du carmel d'Auschwitz » ! « L'absurdité du racisme » et la cruauté de la guerre sont démontrées par le biais A'Elise ou la vraie vie, Avoir 20 ans dans les Aurès, ou Le Vent des Aurès, toutes histoires mettant en scène de gentils fellaghas et d'aimables pacifistes en proie à l'odieux impérialisme français. (Pour faire bon poids, Les Sentiers de la gloire, de Kubrick, rappellera à nos « instits » syndiqués que les généraux français de 14-18 étaient tous des ordures assoiffées de sang.) Quant à la partie de la filmographie axée sur « Le racisme et l'immigration », elle propose Ici et là-bas : paroles d'immigrés ; Pas d'histoires ! 12 regards sur lé racisme quotidien, ou encore L'Esprit des lois - Contre le racisme, qui louange notamment la loi Gayssot. Une même moralité : personne il est beau, tout le monde il est raciste.

Reste le plat principal, avec l'abécédaire. Sous des rubriques intitulées « Antiracisme », « Communautarisme », « Crime contre l'Humanité », « Droit à la différence », « Ecole et République », « Egalité des chances », « Laïcité », « Mixité », « Nation », « Racisme », « Religion », « République », « Sexisme », « Tolérance », etc., il présente une revue exhaustive du prêt à penser le plus affligeant, servi par des autorités morales du calibre de Michel Wieviorka, Elisabeth Badinter, André Comte-Sponville, Marek Halter, Bernard Stasi, Tahar Ben Jelloun - j'en passe et des moins bons !

On y apprend par exemple que « la République n’est pas réductible à un régime politique : c'est l'idéal d'une société d'hommes libres, épris de justice et de paix, que chacun est tenu de servir par l'esprit civique » ; que « le souci du bien commun, le sens de la citoyenneté, la recherche de la justice, la volonté d'une solidarité démocratique restent parmi les premiers objectifs des gouvernements républicains » (Chirac et Juppé sont au courant ?) ; qu'« en Europe comme en Amérique du Nord, nombreuses sont les professions, notamment dans les élites dirigeantes, à qui restent (sic) réservées aux mâles (re-sic) », tandis que les femmes s'y « battent pour devenir des êtres humains à part entière », dont la « dignité rejoint celle de tous les opprimés, de tous les humiliés et concerne chacun de nous au plus profond » (dixit Pascal Bruckner, article Sexisme)...

De l'ensemble se dégage une impression de jactance satisfaite et pédante qui finit par créer un effet franchement comique.

Notre Grand prix du rire est décerné à Michelle Perrot, auteur de l'article Mixité, qui écrit que, grâce à ladite mixité, l'institution scolaire est « devenue le lieu privilégié de la rencontre des sexes ». Vive les travaux pratiques ?

A qui et à quoi tout ça servira-t-il ? Le ministre espère-t-il vraiment contrer avec cette accumulation de poncifs la montée du racisme et des prétendus « communautarismes » : en d'autres termes, le prolongement du conflit du Proche-Orient et l'avènement du fondamentalisme musulman au sein des établissements scolaires français ? Ou imagine-t-il qu'il y suffira de présenter aux partis en présence le personnage d'E.T. l'extra-terrestre (le film de Spielberg figure dans la filmographie) en symbole de la tolérance ?

Copie à revoir. Zéro pointé.