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Ecclesia in Asia - Un voyage aux Philippines...

Dr Jean-Pierre Dickès

Pacte n°83 - 29 février 2004

Grâce au très dynamique Abbé Daniel Couture qui dirige le district d'Asie de la Fraternité Saint Pie X, nous avons vécu un voyage étonnant. Il s'agissait de faire (en quinze jours) une série de 23 conférences à Singapour et aux Philippines. La quasi-totalité d'entre elles concernait la bioéthique. L'abîme qui nous sépare des chrétientés de ces pays donne le vertige.

Alors que certains traditionalistes s'enkystent dans leurs dévotions perdant tout esprit missionnaire, que les conciliaires acceptent sans moufeter l'apostasie silencieuse de notre pays, il n'est pas inutile de regarder comment d'autres civilisations vivent le catholicisme.

La ville fastueuse

Singapour est un petit pays de 4 millions d'habitants, situé en prolongement de la presqu'île de Malaisie, laquelle est un pays frontière avec la Thaïlande. Il y a 160 ans n'existait là qu'une petite agglomération de 8 000 habitants vivant sur une grande île. Mais Singapour prenait son indépendance de la Malaisie en 1965. Elle est le deuxième pays du monde après le Luxembourg pour le revenu par habitant. Sa richesse est inouïe. Simple détail : les gratte-ciel sont revêtus de marbre car cela évite paraît-il de les repeindre régulièrement. Il y a là un melting-pot (creuset) de religions, de races et de cultures dominé par les Chinois qui maintiennent l'équilibre entre les différentes forces religieuses et ethniques : malais, hindous, chinois, philippins, tamouls et européens. Les Catholiques représentent environ 30 % de la population. Ils ont tendance à se regrouper par leurs origines. Les églises sont nombreuses et belles quelle qu'en soit la taille ; elles sont pleines à craquer le dimanche. Il y a des gens qui assistent à la messe dehors faute de trouver une place. Comment ne pas garder en souvenir cette église Notre Dame de Lourdes essentiellement fréquentée par des Hindous facilement reconnaissables à leur peau presque noire. L'opulence semble encourager la foi populaire : à l'extérieur sur la gauche, une grande statue de la Vierge. L'eau courante glisse en permanence sur ses pieds. Et sans cesse des paroissiens viennent prier à genoux puis boivent de l'eau comme ils l'auraient fait à la grotte de Massabielle. Confiance émouvante en Dieu et en Marie. Tout le territoire est une gigantesque technopole à peine découpée par des coulées de maisons parfois d'un luxe incroyable. Singapour est devenue la plaque tournante de toute l'Asie notamment grâce aux activités portuaires et aussi à ses recherches dans le domaine de l'électronique, de l'informatique et de la biologie. Paradoxalement l'opulence ne va pas à rencontre des croyances. Mais la misère non plus.

L'Immense piété populaire

Arrivé à Manille aux Philippines, une Vierge de Fatima et le Santo Nino (l'enfant Jésus) nous accueille éclairé de multiples petites lumières. Et ceci dans la salle d'attente de l'aéroport. Imaginerait-on qu'un crucifix soit disposé à toutes les portes du « camembert » de l'aérogare à Roissy ? Les heures de messe sont annoncées au micro entre deux appels à rembarquement.

Pour comprendre un tel état de choses il faut bien sûr se tourner vers l'Histoire. En 1521 Magellan découvre au nom de l'Espagne un archipel de 7 000 îles. Il donnera à cet ensemble le patronyme de l'infant, le futur Philippe II. C'est l'époque de ce christianisme baroque, débordant de vitalité, riche de ses ors et de ses statues peintes au visage compassé. L'Espagne restera là trois siècles. Elle apporte le christianisme comme elle le fera dans le Nouveau Monde. En 1899 l'indépendance est proclamée alors que l'archipel a été vendu l'année précédente aux Américains. Depuis cette époque, le pays peut être considéré comme un satellite des Etats-Unis. Encore que la présence américaine soit pratiquement invisible. Mais les évangélisateurs espagnols avaient fait une erreur fondamentale : celle de ne pas avoir voulu ou su créer un clergé local. Les sectes protestantes venues d'Amérique s'installent alors massivement et essayent de faire disparaître tout ce qui peut rappeler la présence hispanique. Elles ont toujours là, tenaces et agressives dans ce pays catholique à 95 pour cent.

Actuellement le pays compte 80 millions d'habitants. On voit des jeunes partout. 50 % de la population a moins de 25 ans. Mais elle est d'une pauvreté effrayante. La capitale Manille avec ses 13 millions d'habitants est épouvantablement polluée et embouteillée ; elle est entourée de bidonvilles qui débordent littéralement sur les courants d'eau. Et cependant, la foi catholique s'affiche partout. Des panneaux gigantesques de vingt mètres de haut sur dix mètres de large représentent le Sacré-Cœur version philippine avec ses yeux bleus les mains écartées et tournées vers le ciel. La quasi-totalité des conducteurs accroche par grappes aux rétroviseurs des voitures, chapelets, images pieuses, scapulaires, médailles et autres objets de dévotion. Sur les murs extérieurs de presque toutes les maisons ont été insérés des carreaux de faïence représentant le Sacré-Cœur de Marie et de Jésus. On trouve un peu partout des fabricants de statues religieuses. Elles sont souvent très kitch dans le style sulpicien très compassé. Chaque rue ou presque a sa grotte de Lourdes (préfabriquée) ou son calvaire. Exprimer sa Foi par des images est tout à fait normal. Et, dans les maisons, il en est de même : chaque pièce a ses propres statues de différentes tailles avec ses propres dévotions. Souvent il n'y a même que cela en dehors du mobilier courant. En tête vient le Santo Nino rapporté par Magellan et vénéré dans la cathédrale. Puis le Sacré-Cœur, Notre Dame de Lourdes, de Fatima. Saint Joseph et Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus sont des valeurs sûres.

Les anges aussi. Peu de saints de l'Ancien ou du Nouveau Testament. Les processions permettent de sortir d'énormes statues multicolores habillées de vêtements chamarrés : vierges et saints sont nimbés de diadèmes, couronnes d'étoiles, auréoles dorées. Elles sont suivies par un peuple innombrable. Bref tout ce que l'on ne trouve plus chez nous depuis le concile.

Le souci de l'avenir

La quasi-totalité de l'instruction est assurée par les collèges religieux. Ainsi il m'est arrivé de parler devant 1300 élèves infirmières à l'Institut Notre Dame (prononcer dém) de Dadiangas dans l'île de Mindanao la plus grande de l'archipel par la taille. Le frère Bob, un mariste, nous explique fièrement comment il a développé sa magnifique école de 7 000 élèves filles dans un champ dépotoir sur lequel étaient installées des huttes pourries. Tous les écoliers, élèves, étudiants portent un uniforme. Dans ce cas précis, jupe écossaise, corsage blanc avec galons en harmonie avec la jupe. Les cours commencent la plupart du temps par la prière ; elle est récitée par un élève et reprise en groupe ; puis tourné vers le drapeau est chanté l'hymne national la main au niveau du cœur. Manifestement s'exprime ainsi la volonté commune d'arriver à bâtir par le travail un avenir moins sombre pour soi-même et pour le pays ; et ceci avec l'aide de Dieu. Par ailleurs toute forme d'atteinte à la vie comme l'avortement, la drogue et l'euthanasie, ou la fécondation in vitro, est sévèrement réprimée. L'enfant est roi dans ce pays, pas question d'y toucher.

Tout est fait pour favoriser le développement de la Foi. Et ce avec une ténacité remarquable. Quant on pense que la cathédrale a été reconstruite six fois : régulièrement tes tremblements de terre détruisent les constructions en dur. Sans compter les éruptions volcaniques comme celle du Pinatubo qui remonte à 1991. Les atouts sont nombreux : volonté de progresser dans le respect des valeurs surnaturelles et naturelles, énergie face au travail, une générosité et une faculté d'accueil étonnante, une gaieté du vécu quotidien. La natalité aussi qui reste très forte. Bref tout ce qui manque à la France, tirant ainsi notre pays à toute vitesse vers la décadence. A cela il faut ajouter la beauté paradisiaque des paysages montagneux, la richesse des fonds marins qui tôt ou tard attireront les amoureux de la nature du monde entier. Les bambous géants, les cocotiers, les bananiers permettent à la fois de se nourrir et de construire des maisons sommaires à la campagne. La température ne descend jamais en dessous de 25 degrés.

Le ver dans le fruit ?

Mais face aux valeurs de la Foi et du patriotisme se dressent en permanence des obstacles qui obèrent gravement l'avenir du pays. L'insécurité d'abord. Tous les magasins, hôtels, propriétés moyennes sont gardés par des milices privées en uniforme portant à la ceinture un revolver de calibre P 38. La corruption ensuite, qui touche tous les milieux politiques et se communique de gouvernement en gouvernement. La franc-maçonnerie n'est ici ni secrète ni discrète comme dans notre pays. Elle avance démasquée. Et hélas, il y a une fois de plus le ver implanté dans le fruit par le funeste Concile.

A Davao, troisième ville du pays, la Faculté créée par les Jésuites a éclaté. Un groupe de libéraux a fondé la Médical School Fundation. L'accueil du doyen, des professeurs et des étudiants est plus que mitigé. Toute référence au christianisme a disparu des bâtiments ; ce qui pour ce pays est un comble. Pas même un crucifix dans le bureau du directeur. Le laïcisme « à la française » a donc pris pied ici. Nous comprendrons à la sortie. Notre propos va à rebrousse poil d'un congrès annoncé par un grand calicot. « Congress for Reproduction Health ». La « santé reproductrice » est promue dans les pays du Tiers Monde par les Nations Unies. Et ce dans le cadre technique de l'UNICEF et surtout l'UNFPA (United Nations Funds for Population Aid). Or il y a trois ans le président Bush a fait supprimer toute subvention à cet organisme. Pourquoi ? parce qu'il participait massivement aux programmes de stérilisation et d'avortements forcés notamment au Pérou et en Chine. Dans ce dernier pays, cet organisme prête la main à la One Child Police (police un enfant) qui bat à mort les femmes qui refusent de se faire avorter, brûle les maisons et arrachent à leurs familles les petites filles pour les jeter sans boire et sans manger dans des mouroirs où l'espérance de vie ne dépasse pas quinze jours.

Prions pour que ce merveilleux peuple soit préservé !