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« L'autre Eglise » de Mgr Herbulot

Abbé Schaeffer

Pacte n°83 - 29 février 2004

Evêque à la retraite, Mgr Guy Herbulot se prête à un passe-temps favori de l'épiscopat : le livre d'entretiens. Il en résulte « l'Espérance au risque d'un diocèse » où l'ancien évêque d'Evry fait le bilan d'une collaboration de vingt-deux ans entre l'évêque, les prêtres et les laïcs en vue de faire apparaître ce qu'il nomme une « Eglise autre » ou une « Eglise renouvelée ».

La perspective est résolument fidèle au Concile, alors même que le Concile est déclaré en péril « au sein d'une Eglise qui trop souvent se lamente ». On assiste même, semble-t-il, à la manifestation « de réserves frileuses », on constate parfois hélas « une nostalgie dupasse ». Cela serait sans importance venant de générations ayant dû assister au « triste abandon de ce à quoi elles avaient toujours cru ». Or, l'évêque s'en plaint, la « disparition des repères d'hier » provoque aussi les jeunes à « la recherche des signes identitaires ». Cela peut aller « si l'on n'y prend pas garde «jusqu'à la création de redoutables « pôles de restructuration de la foi », cela peut mener à « un retour en arrière, aux dépens de la mission ». La première fonction de l'évêque est donc de veiller à ce qu'une « recherche lé­gitime d'identité chrétienne » ne conduise pas - par peur - à « reconstruire les murailles » et à « s'enfermer à l'intérieur ».

L'évêque n'ignore pas les « affrontements entre catholiques » et en particulier la crise lefebvriste.

En n'acceptant pas la nouvelle messe, les mauvais sujets lefebvristes marquent leur rejet de toute la théologie de Vatican II. D'où le refus (sauf « par crainte du schisme » et parce que « nous nous trouvons souvent le dos au mur ») d'accorder l'ancien rite à ceux qui en font la demande. La pensée épiscopale est claire : « lorsque la messe de saint Pie V est brandie comme une arme condamnant la doctrine du nouveau missel, et, partant, l'ecclésiologie de Vatican II, comment répondre positivement à des requêtes pour son utilisa­tion ? »

L'ecclésiologie de Guy Herbulot est à l'image de sa cathédrale : une colonne tronquée symbole de son humanisme maçonnique. Son Eglise une Eglise bavarde, faite de commissions, de conseils, d'ex­perts, bien différente du vieux « triomphalisme clinquant ». Elle réintègre les exclus, « aujourd'hui ». La pastorale « a mis l'accent sur le sens de l'homme dans ce qu'il connaît, découvre et cherche lui-même ». Après cela « il nous revient de vouloir que l'Eglise soit pour Dieu. »

II y a donc un gigantesque travail de « restructuration » à coup de synodes et d'animateurs pour « une tâche exaltante laissant place à la créativité ». Osons, dit l'évêque, les rencontres et les partages ! Même si son vieux rêve d'action catholique, appris à la JOC, ren­contre quelques difficultés : « ce ne fut pas facile d'appeler des laïcs à participer à la mission pastorale du prêtre » ! Passer d'une « Egli­se organisation » à une « Eglise signe » qui sera « vraiment catho­lique » est rude, et beaucoup connaissent « la tentation de l'arrêt au milieu du gué et du retour en arrière ».

Dans la perspective du Concile, il a dû défendre la construction de la mosquée « signe d'une liberté religieuse reconnue ». Il inaugure un carré à part pour les morts musulmans au cimetière d'Evry et il voit là « un signe d'intégration dans la société française ». Pourtant il assiste à la détérioration progressive des banlieues, il est témoin de « véritables émeutes », il observe certains signes « de la perte de la dignité humaine », mais il continue « à croire à l'autre ». Il s'agit seulement de s'habituer : les cités' sont « l'image de ce que seront la France et l'Europe de demain : de plus en plus pluriethniques, pluri-religieuses ».

Aux responsables de l'urbanisme venus parler de la construction d'une cathédrale dans la ville nouvelle d'Evry, l'évêque répondait invariablement : « il faut attendre ». « Nous étions encore à l'époque du rejet des bâtiments symboliques et, pour l'Eglise, du rejet de toute construction. » Et puis, la ville grandissant, on se dit « le reli­gieux peut trouver là sa place ». Tout en rassurant « ceux qui crai­gnaient le retour du triomphalisme », l'évêque en vient finalement à « l'urgente nécessité de construire, et de construire une cathédra­le ». Maintenant le diocèse dispose d'un « espace de vie, redevenu par la résurrection du Christ, espace d'hommes d'espoir ».

La synodalité en parallèle permet de vivre « l'ecclésiologie gfe Vatican II » à travers les experts, les équipes animatrices, les conseils pastoraux, les secteurs, les chefs de projet. Avec eux, dans l'attente de IV Eglise autre », on peut vivre « autrement en Eglise ». Débarrassé des « pratiques antérieures » on est libre pour « faire l'Eglise », œuvre d'un peuple de Dieu « en pleine croissance pre­nant en main son destin. »

Quant à l'école catholique, c'est un « espace dépensée » pour un nouveau défi « humanitaire, culturel ». L'évêque 1g garantit « il ne s'agit pas d'évangélisation croix en main », même si « la finalité de l'enseignement catholique, c'est la proportion de l'Evangile ». C'est que l'Eglise de Mgr Herbulot ne se conçoit que dans la démocratie. Au passage, il regrette l'absence de l'Eglise lors du transfert des cendres de l'abbé Grégoire au Panthéon. Cela a fait souffrir l'évêque qui attend la réhabilitation de celui qui durant la Révolu­tion fut le chef des prêtres jureurs.

A Evry, il a pu rencontrer toutes les religions. S'il n'est pas à la sortie de la mosquée le vendredi c'est qu'il parle au Temple. A la cathédrale, il accueille Rabbin et responsable de la mosquée, il faut « combler le vide de notre ignorance, afin de dépasser l'intolérance ». Son credo comporte l'absence « de toute forme de prosélytisme ». Il ne néglige pas la formation des responsables de la catéchèse et organise pour eux un enseignement du judaïsme sur trois ans : « le rabbin Serfaty assurera la formation ».

Monseigneur Herbulot, Entretiens avec J.F. Courtille et G. Omnes, « l'Espérance au risque d'un diocèse », Desclée de Brouwer, Paris, octobre 2003, 189 pages, 18,50 euros.