Dernier
signe du forcing des autorités romaines, visant à réduire tous les
points de résistance à l'Oukase conciliaire : ce qui se passe à
l'abbaye bénédictine de Sainte Magdeleine du Barroux. En 1988, Dom
Gérard Calvet, le fondateur, qui faisait ordonner ses moines par Mgr
Lefebvre, avait préféré tenter une expérience de ralliement à Rome,
traitant l'évêque qui l'avait encouragé, qui l'avait appuyé, qui,
jusque là ordonnait ses moines, de « petit chef de secte ». Seize ans
après, les moines retranchés dans leur monastère n'ont sans doute pas
beaucoup changé. Ils ne sont pas beaucoup plus nombreux, malgré une
nouvelle fondation à La Celle, dans le diocèse d'Agen. Ils font moins
parler d'eux : la discrétion semble être devenue pour eux un mot d'ordre
; c'est en tout cas à quoi les exhortait encore récemment Dom Gérard en
présentant sa nouvelle fondation. L'un d'entre les moines, le Père
Jérôme, que beaucoup ont eu l'occasion de croiser puisqu'il était
l'hôtelier, vient de quitter nuitamment sa communauté, écœuré par le
nouvel ordre des choses... Il a rejoint la Fraternité Saint Pie X, avec
le sourire que nous lui connaissons bien. Et, presque au même moment, on
apprend que Dom Gérard remettait sa démission et qu'à sa place, était
élu un tout jeune moine, la trentaine à peine dépassée, ancien prieur
de La Celle, très certainement le candidat que Rome a suggéré aux
moines. De réputation, « ce n'est pas un intégriste ». Etant donné
son âge, il aura tout le temps pour procéder à la normalisation
conciliaire du Barroux, en banalisant d'avantage encore qu'elle ne l'est
la célébration selon le nouveau rituel, en introduisant des professeurs
de théologie étrangers à la maison, pour enseigner à tous les moines
la bonne nouvelle de Vatican II et surtout en utilisant son autorité
absolue soir et matin.
Il
est assez naturel que cette pression romaine s'exerce ainsi sur des
symboles de la résistance catholique, qui se sont rangés et ont
souhaité baisser pavillon...
Mais
le plus étonnant, c'est que rien n'échappe à la vigilance des chiens de
garde.
J'ai,
dans ma petite communauté de Tournan-en-Brie, des catholiques fervents,
qui ne renoncent pas facilement au combat. Ils ont donc prit leur plus
belle plume pour écrire au nonce romain actuellement en poste à Paris,
Mgr Fortunato Baldelli. Avec un tel prénom, me disais-je, nous n'avons
pas à craindre de tenter la fortune. Deux membres d'une toute jeune
amicale seine-et-marnaise des catholiques de Tradition ont donc élaboré
un très beau texte ; ils me l'ont montré : quel prêtre me disais-je en
Usant cette missive confiante, ne serait pas ému par une telle passion
pour les choses de Dieu, venant de laïcs. Et cela aujourd'hui, en 2003.
Eh bien ! Cela n'a sans doute pas été la réaction du nonce. Voici sa
réponse :
Exclusif
: une lettre du nonce
«
J'ai bien reçu votre lettre du 20 septembre dernier. Le langage et le ton
que vous utilisez ne facilitent pas l'accueil ni le dialogue. Par exemple
: on lit au bas de votre lettre : "notre messe est la messe de
toujours, bimillénaire et institué par le concile de Trente."
Qu'est-ce
que "notre messe" ? C'est la messe de l'Eglise, qui comme disait
Bossuet, est Jésus Christ répandu et communiqué. Si le rite dit
tridentin est en rapport avec le grand concile réformateur du XVIe
siècle, le rite actuel de l'Eglise, tel que l'Eglise catholique l'a voulu
est aussi en rapport avec un autre grand concile oecuménique. Il n'est
donc pas convenable d'user de l'expression "nous contenter de messes
conciliaires".
Veuillez
reprendre contact avec votre évêque, en l'assurant de votre fidélité
entière au Magistère du pape, aux décisions des conciles oecuméniques
étal 'autorité du pasteur du diocèse. Expliquez lui que sans
mésestimer du tout le rite renouvelé, vous restez attachés au rite de
Saint Pie V. Je vous reste uni dans la prière... »
Si
je prends la liberté de publier cette lettre, ce n'est pas pour faire de
la peine au Nonce : le pauvre ! Il fait son travail. Il rappelle la
doctrine officielle de la Secrétairerie d'Etat dont il dépend,
concernant l'attachement des fidèles aux formes de la Tradition
catholique. Il faut rappelle-t-il, que cet attachement ne cherche pas à
s'entourer de justifications ou d'arguments : « aucune mésestime pour le
rite renouvelé ». Pas la moindre réserve sur le concile Vatican II. Un
grand amour pour ses réformes : il n'est pas convenable de dire que l'on
s'en « contentera » ; il faut aussi affirmer qu'on en est fermement
partisans. Et à ce moment, mais à ce moment seulement, on pourra
recevoir le droit - sans aucune obligation de l'évêque du lieu - de voir
célébrée une messe traditionnelle.
«
Messe traditionnelle » ? D'après les normes édictées par ce
spécialiste du dialogue qu'est Mgr Baldelli, l'expression n'est pas
convenable. Mgr Baldelli est très à cheval sur les mots, à défaut de
l'être sur les principes. Notez donc que, d'après lui, on pourra
célébrer une messe traditionnelle à condition de ne pas l'appeler
"messe de toujours, bimillénaire, instituée par le concile de
Trente". Cette expression (si précise pourtant) lui paraît
choquante. Si on suit l'argumentation du nonce, on pourra célébrer une
messe traditionnelle à condition de ne pas l'appeler messe traditionnelle
et uniquement si l'on aime à la folie le nouveau rituel : de qui se
moque-t-il ?
Ce
Nouveau rituel a déjà tellement peu d'amateurs ! Et il faudrait en plus
que ce soit parmi ces amateurs, que se recrutent ceux qui souhaitent
entendre de temps en temps la messe de Pie V. Il faut croire que ces
«messes Pie-V-permises» sont vraiment introuvables. Personnellement, je
ne connais aucun prêtre célébrant la messe de Saint Pie V à quelque
diocèse ou fraternité qu'il appartienne, qui aime à la folie le concile
et la nouvelle messe. Les normes du nonce paraissent donc tout simplement
inapplicables. Prises au pied de la lettre, elles aboutissent à mettre
sur le même pied tous les catholiques qui restent attachés à la messe
traditionnelle par manque de goût de la messe nouvelle. Avec un tel
discours, le nonce Baldelli risque bien de refaire l'unité de la
tradition catholique ! |