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Le mythe de la « gnose »

Entretien avec Paul Sernine - Propos recueillis par Philippe Vilgier

Pacte n°80 - 30 novembre 2003

Il y a quelques jours, je recevais par la poste un livre au titre énigmatique : La paille et le sycomore. Mais le sous-titre était beaucoup plus clair, et diablement plus excitant : « A propos de la «gnose» ». Brûlant de curiosité, je me suis précipité sur l'introduction... pour ne ressortir que plusieurs heures plus tard, le livre achevé. Et, bien entendu, je n'ai pu me retenir de poser quelques questions à l'auteur.

Philippe Vilgier : Paul Sernine, vous venez de publier un livre qui va faire du bruit, en raison de son radicalisme, puisqu 'il n 'hésite pas à nier l'existence même de la gnose, dont on parle pourtant beaucoup depuis quelques années.

Paul Sernine : J'ignore si La paille et le sycomore va faire du bruit, même si je le souhaite, évidemment, comme tout auteur. Quant au mot de radicalisme, je l'accepte, mais seulement à condition de le préciser. Mon ouvrage n'est pas « radical » dans le sens de « polémique », car il n'entend pas attaquer les personnes. En revanche, il va à la racine, radix, d'une erreur baptisée « gnose » et la tranche sans retour.

Précisons pour nos lecteurs. Vous parlez d'une erreur appelée « gnose », mais ce n'est pas pour la condamner : c'est pour affirmer qu 'elle n 'existe pas.

Si cette erreur existait telle qu'elle est décrite par les auteurs qui, depuis quelques années, en ont assuré la vogue, elle serait très grave et je serais le premier à la condamner. Mais comme cette erreur est une fable, un mythe, ce sont les affabulateurs, les mythomanes que je suis obligé de condamner.

C'est énorme, ce que vous dites ! Pour vous, la gnose n'existe tout simplement pas ?

Entendons-nous bien ! La gnose est un phénomène historiquement daté, aux alentours des Ille et IVe siècles de notre ère : la gnose des Basilide, des Valentin et des Marcion. Celle-ci, bien entendu, j'en accepte l'existence et, avec l'Église, en condamne les doctrines. On peut également prendre le mot « gnose » en un sens large, comme désignant toutes les formes de « salut par la connaissance ». Je condamne aussi une telle notion de « salut par la connaissance », dans la mesure où un tel salut serait opposé au salut par la foi surnaturelle. Mais, depuis la fin des années 70, un nouveau sens du mot « gnose » s'est répandu dans nos milieux, principalement par le biais d'un auteur qui s'est constitué le « spécialiste » sur le sujet. Cet auteur prétend qu'en toute erreur (passée, présente ou à venir) il y aurait une clé, et ce serait la « gnose ». La paille et le sycomore est consacré à une analyse approfondie de cette nouvelle notion de « gnose », qui la confronte aux enseignements du Magistère de l'Église, aux écrits des théologiens et à l'histoire ecclésiastique. Au terme d'un exposé rigoureux, je démontre que cette nouvelle notion de « gnose » constitue un mythe, historiquement faux et intellectuellement absurde.

Vous êtes déjà intervenu sur la gnose dans la Nouvelle revue Certitudes. Ce numéro a suscité une assez violente polémique, et vous avez particulièrement été mis en cause...

Avec plusieurs autres écrivains, je suis, depuis ce numéro de Certitudes, régulièrement injurié et calomnié par un médiocre personnage qui s'est autoproclamé d'abord professionnel du nationalisme français, ensuite pape de l’anti-gnose. Le papier souffre tout ! Cet individu est le fils de son père, grande qualité sans doute, mais dont il faut savoir ne pas abuser. Car un beau nom ne suffit pas à remplacer la compétence et l'honnêteté, ce pauvre homme en est la vivante illustration.

En dehors de ce personnage, les auteurs tenants de la « gnose » ont répondu au dossier de Certitudes, avec notamment un numéro entier d'une revue consacré à rejeter vos affirmations. Visiblement, ces réponses ne vous ont pas convaincu.

J'ai entrepris, dans La paille et le sycomore, de faire le tour complet de la question de la « gnose ». J'ai donc pris en compte, cité et analysé les articles (sérieux) parus après le numéro de Certitudes, de façon à proposer au lecteur ce que Jean Madiran appelait autrefois « l'état de la question ».

Votre titre, La paille et le sycomore, est tout à fait sibyllin. Pouvez-vous en donner une explication ?

Dans le discours des tenants de la « gnose », le propos devient parfois si exagéré qu'on sent poindre sous le réquisitoire apparemment antignostique une forme de dualisme : le mal semble acquérir un pouvoir tout à fait comparable à celui du bien et, pour finir, à celui de Dieu lui-même. On est tenté alors de parler de la « gnose des antignostiques », ce qui fait songer à l'apologue du Christ : « Pourquoi examines-tu la paille qui est dans l'œil de ton frère... » D'où le titre La paille et le sycomore, ce dernier arbre occupant une place centrale dans la tradition ésotérique. Mais le sous-titre apporte, ce me semble, toutes les précisions nécessaires : « A propos de la «gnose» ».

Pourquoi avoir pris la peine d'écrire un livre, si vous pensez que la gnose n'existe pas ? N'est-ce pas se battre contre des moulins à vent ?

Précisons une nouvelle fois les choses, pour éviter toute ambiguïté. Je n'entends absolument pas favoriser de pernicieuses erreurs. Beaucoup d'auteurs dénoncés par les défenseurs de cette nouvelle notion de « gnose » enseignent des erreurs graves et des hérésies, que je condamne sans ambages. Mais ce qui particularise les défenseurs de cette nouvelle notion de « gnose », c'est qu'ils prétendent regrouper toutes les erreurs en cette « gnose » indéfiniment plastique et malléable, qui les causerait, les rassemblerait et les expliquerait. C'est très exactement ce que je conteste radicalement, preuves à l'appui. Quant à mes motifs d'entrer en campagne, ils sont très simples : je suis consterné et effrayé des âneries qui peuvent se dire et se publier à ce propos. Comme l'enseigne la droite philosophie, l'erreur et la sottise ne sont pas neutres ou indifférentes, elles sont au contraire toxiques et délétères pour les esprits. De plus, elles mettent en danger l'apostolat missionnaire que tout chrétien doit à ses frères incrédules et pécheurs.

Paul Sernine, La paille et le sycomore, éditions Servir, 224 pages, 17 euros franco à commander à Certitudes, 23 rue des Bernardins, 75005 Paris.