Rien
de bien nouveau à ajouter au dossier de la laïcité : on nous rebat les
oreilles de l'exigence laïque, mais pour l'instant, aucun événement ne
vient changer la donne.
Il
faut tout de même mentionner une légère inflexion du discours des
évêques de France, réunis à Lourdes au début de ce mois. Témoin, Mgr
Doré, théologien en titre de l'épiscopat. Dans un entretien avec Elie
Maréchal, du Figaro, il s'explique sur les nouveaux éléments
constitutifs de la laïcité française « Alors que l'État et les
religions avaient progressé jusqu'à récemment dans un dialogue mutuel
et constructif, on en vient à réfréner le droit équitable pour tous,
par crainte d'un excès de droit revendiqués par une minorité ». Et
de porter ce diagnostic sans appel sur les relations actuelles entre
l'Église et l'Etat : « L'islam étant présenté comme un danger du
fait des islamistes, la laïcité française se crispe, tend même à
régresser vers un laïcisme sourcilleux ». Le terme de laïcisme
n'est pas habituel dans la bouche d'un évêque, que sa fonction incline
en général à tous les compromis avec la République. Il faut que la
situation soit en effet plus préoccupante qu'on ne le dit pour que l'on
en soit arrivé à une telle absence de langue de bois.
Mais
ce n'est pas tout. Ajoutons que désormais les évêques n'hésiteront
plus à revenir sur l'idée d'une fonction publique de l'Église dans la
société laïque : « L'islam oblige à considérer à nouveau que
toute religion a un impact publique ». n ne s'agit pas de déférer
à la volonté de ceux qui entendent « confiner (le religieux) dans
le sanctuaire de la conscience ».
Oh
! Cela ne signifie pas que Mgr Doré aurait abjuré la « liberté de
recherche » de chaque croyant, telle que l'enseigne le second concile
du Vatican. Cela ne veut pas dire que la société se devrait de pratiquer
une sorte de préférence catholique, reconnaissant ainsi une autorité à
l'Eglise fondée par Jésus Christ pour le salut de l'humanité. Notons
d'ailleurs que les évêques ne parlent plus jamais nommément de
l'Église catholique quand ils s'expriment sur la laïcité ; ils parlent «
des religions » (raisonnables) et « des intégrismes » (déraisonnables).
Selon eux, il n'y a aucune différence entre ces deux institutions
religieuses que sont l'Église catholique et le club des adorateurs de
l'oignon, sinon peut-être quant au nombre des adeptes de l'une et de
l'autre organisation.
Dans
leur esprit, loin de toute discrimination, chaque religion a donc le même
droit à l'espace publique dans une société essentiellement
procédurale,' c'est-à-dire qui ne reconnaît de vérité que celle qui
naît du débat. Ce que réclame Mgr Doré, par conséquent, ce n'est pas
du tout le droit strict de la Vérité catholique a être reconnue comme
telle dans son ordre (surnaturel) par la société civile, mais c'est la
faculté de participer, en bonne place, aux différents débats qui
traversent l'espace publique.
Bref,
rien de bien nouveau, en somme : tout en reconnaissant qu'elle a du plomb
dans l'aile, c'est la fameuse «laïcité ouverte» à laquelle aspire Mgr
Doré. A défaut d'être pasteurs d'âmes, puisque décidément Vatican II
ne remplit pas leurs églises désespérément vides, les évêques
pourront toujours se recycler comme experts en religion. Ils seront
consultés comme tels. |