Beaucoup
de bruit pour rien ! C'est sans doute ce que penseront ceux qui ont
assisté samedi 22 novembre à la messe de Sainte-Cécile, célébrée
selon le rite traditionnel à Paris par le cardinal Médina Estevez,
ancien préfet de la Congrégation romaine pour le culte divin... Beaucoup
d'émissions sur Radio-Courtoisie. Beaucoup de musique. Et, à l'attention
des liturgistes, un colloque du Ciel, miraculeusement transporté à
Paris. Tout cela pour quoi ? Pour que le cardinal nous enseigne - au cours
du colloque justement - que les filles enfants de chœur, ce n'est pas si
choquant qu'on le dit ou que la participation des laïcs à l'eucharistie
peut les conduire à animer des Assemblées dominicales en l'absence de
prêtre. Le résultat est mince en apparence ! Pas un mot du rite
traditionnel, dit de Saint Pie V. Les fidèles auront dû se contenter
d'une magnifique cérémonie. Mais d'une cérémonie muette ! On comprend
les jeunes de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, diffusant à la sortie de la
Messe un tract intitulé : Non à la messe d'un jour, oui à la messe de
toujours. Et on se prend à évoquer la messe de Saint Pie V que célébra
le cardinal Lustiger, le 2 juillet 1988, dans sa cathédrale,
archi-comble. Nous étions à quelques jours des sacres du 30 juin par Mgr
Lefebvre. Mais cette messe qui valait bien une promesse, resta sans
lendemain.
Les
Parisiens savent bien qu'ils n'ont rien à attendre de leur archevêque
pour ce qui est de la messe traditionnelle et de son avenir dans la
capitale. Est-ce vrai ? Le bruit court en tout cas que Son Eminence avait
refusé au cardinal Médina la possibilité de procéder, dans son
diocèse, aux ordinations sacerdotales de candidats issus de la
Fraternité Saint-Pierre. On ne peut pourtant pas reprocher à cette
pauvre Fraternité Saint Pierre sa désobéissance. La plupart d'entre ses
membres sont confits en protestations d'amour du pape et l'un ou l'autre
tente de justifier le pontificat jusque dans ses dimensions dangereusement
œcuméniques. Mais vu de l'archevêché, les chrétiens qui font
confiance à la Fraternité Saint Pierre sont tout aussi coupables que
ceux qui militent avec la Fraternité Saint-Pie X. Les prêtres qui
célèbrent la messe à leur intention doivent donc célébrer aussi
habituellement la messe de Paul VI et surtout, ils ont reçu mission de
ramener le troupeau à l'amour du concile dans l'acceptation sans
condition des nouvelles formes liturgiques. Dans l'Eglise du cardinal
Lustiger, il n'y a pas de place pour des défenseurs authentiques de la
Tradition. C'est ainsi que l'on peut expliquer son oukase contre la
Fraternité Saint-Pierre (qui n'est pas représentée dans le diocèse) et
son refus au cardinal Médina.
Seulement
voilà ! Le cardinal Médina s'est vexé. D a insisté et il a obtenu
(comme lot de consolation en quelque sorte : à défaut des ordinations)
de pouvoir célébrer cette messe "sans enjeu" dans l'église
Saint-Eugène Sainte-Cécile, à l'occasion de la fête de la sainte
patronne de la paroisse. Sic transit ! Alors que l'ancien préfet romain
parle très bien français et qu'il aime pratiquer notre langue, on l'a vu
(durant vingt minutes) arc-bouté au texte de son sermon, lisant son
papier sans jamais en sortir, et entretenant les fidèles, qui venaient
pour la messe, des beautés secrètes du chant grégorien. Sans doute
avait-il dû faire viser le texte de son homélie au préalable...
Dans
cette bataille des cardinaux, si l'on regarde les choses de près, le
dernier mot semble donc bien revenir au cardinal Lustiger, qui freine
autant qu'il le peut le retour aux formes traditionnelles, réclamé
pourtant par ses fidèles. Pourquoi une telle faiblesse de la part du
cardinal Médina ? Pourquoi les ordinations de la Fraternité Saint Pierre
n'ont-elles pas pu avoir lieu à Paris ? Pourquoi ont-elles finalement
trouvé refuge à l'abbaye de Fontgombault ? L'ancien Préfet de la
Congrégation pour le culte divin est divisé en lui-même. Ses
déclarations récentes sont contradictoires. Comment faire prévaloir un
point de vue dont on n'est pas soi-même sûr ?
Petite
rétrospective : c'est le cardinal Médina qui est l'auteur d'un document
publié le 5 novembre 1999, par la Congrégation dont il avait la charge,
stipulant que le rite de Saint-Pie V n'avait plus aucune existence légale
dans l'Eglise. Il prenait ainsi le contre-pied de la Bulle de Saint Pie V,
Quo primum tempore, garantissant par avance à tout prêtre
catholique le droit de célébrer la messe dans le rite qu'il venait de
codifier. Et pourtant, quelques années plus tard, en 2001, le même
cardinal, sans avoir fait aucune repentance, du moins à notre
connaissance, affirmait au périodique américain The Latin Mass : «
J'ai soigneusement étudié la question de l'abrogation du rite de Saint
Pie V après le concile Vatican II. Sur la base de mes recherches, je ne
puis conclure que le rite de Saint Pie V ait jamais été abrogé... » Pour
gagner une prochaine bataille de cardinaux, il faut sans doute que le
cardinal Médina étudie encore un peu plus, qu'il oublie ces formules
alambiquées et parvienne à une position claire. A une véritable
affirmation. |