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Le sacré : ça s'en va et ça revient !

Christophe Tourville

Pacte n°78 -  septembre 2003

En France, le sentiment religieux serait sur le point de revenir. Aussi vite que la nature : au galop. Mais il s'agit plus de rechercher un peu de sens, que de servir la Vérité acceptée sans discussion. On retrouve quelque chose de la religion de Vatican II dans cette sacralité light...

A -t-on remarqué la couverture frappante du numéro d'été du « mensuel de l'économie », Enjeux Les Echos ? Elle disait : « Dieu, la valeur qui monte », sous-titré « Les religions reviennent enfonce. Dans nos sociétés, dans l'économie, dans l'entreprise. » Cette annonce d'aspect sensationnel et vendeur est la formulation claire de ce que l'on ressent de moins en moins confusément : il existe un retour du religieux. Nos gouvernants, toujours dans le sens du vent, ont d'ailleurs repéré ce courant grâce auquel les journées du patrimoine, les 20 et 21 septembre, se sont officiellement tournées vers le « spirituel ». Pour motiver son choix, notre ministre de la Culture explique que nos concitoyens ont une attitude paradoxale vis-à-vis du patrimoine religieux : « Les lieux de culte sont très présents dans le paysage de notre pays. Mais ils restent souvent méconnus, voire inconnus » en raison de « la dégradation de la culture religieuse », cause d'une « cécité à l'égard du patrimoine religieux, une incapacité à le lire », selon des propos publiés dans La Croix du 12 septembre. Encore mieux : M. Aillagon se défend sans trembler lorsqu'on lui rappelle la « neutralité » de l'Etat-en matière de culte : « La République, fidèle au principe de la laïcité, doit s'interroger sur sa part de responsabilité dans la diffusion de la culture religieuse ». Dans le monde du show-business et de la culture en place, on se tourne aussi vers Dieu et on le fait savoir. C'est le chanteur Yves Duteil, par exemple, qui nous donne sa façon de croire : « Si Dieu est à l'origine du monde, les artisans de l'avenir s'appellent Pasteur, Fleming, Luther-King, Gandhi. (...) Alors faut-il accuser Dieu pour les maux de la Terre ou le remercier d'avoir semé en nous l'envie d'y résister et la force d'y croire ? »

Chaque semaine ou presque, Famille Chrétienne rend témoignage de cette nouvelle attraction du divin sur la société : dans le numéro du 9 août, par exemple, Luc Adrian se laisse attendrir par quelques prostituées du Bois de Boulogne qui, sans avoir la volonté de changer de vie, ont retrouvé, non sans une profonde émotion, le chemin du confessionnal et de la table de communion. Ces petits faits, reflets de milliers d'autres, attestent de l'incontestable attrait des mentalités pour les choses du divin. Certains intellectuels en vue, neutres ou pas à l'égard de ces changements, les analysent et sont parfois pleins d'espoir pour la Foi chrétienne. Dans Le Figaro du 23 août, Chantal Delsol, intellectuelle catholique déclare : «Aujourd'hui, tout laisse à penser que nous allons faire notre coming-out (...) parce que l'étau des idéologies du Progrès (...) s'est relâché avec la fin du socialisme réel. Parce que la force de la pression antireligieuse a atteint des sommets de ridicule que dénoncent même des non-croyants. » Chantal Delsol formule ensuite ses espérances : « Envisagé dans son rôle social et intellectuel, le christianisme a pour mission de maintenir le socle de l'unité de l'espèce humaine, car cette certitude, sur laquelle sont fondés les droits de l'homme, ne vient que de lui et ne peut tenir que sur lui ».

Une explication

Le Point du 5 septembre fait état de « A l'ombre des lumières » ce livre-débat entre le philosophe Régis Debray et le physicien Jean Bricmont, récemment édité chez Odile Jacob. Dans leur athéisme partagé, les auteurs tentent d'expliquer cette « incongruité » du retour au religieux. Le physicien :«(...) beaucoup de croyants modernes et même d'incroyants (...)font comme si le discours scientifique et le discours religieux se déroulaient sur des plans différents, l'un s'occupant des faits et l'autre de sens ou de valeur. (...) C'est un succès remarquable des croyants que d'être arrivés à convaincre tant de leurs adversaires que le plan des faits, sur lequel ils ont été obligés de battre en retraite devant les avancées de la science, n'était en fait pas celui auquel ils tenaient vraiment. Il est curieux qu'il leur ait fallu des siècles pour se rendre compte de cela. Et il est intéressant d'observer que, partout où les religions sont encore virulentes, beaucoup de croyants n 'ont pas encore fait cette grande découverte ». Mais Jean Bricmont pose la bonne question : « En quoi cette morale ( chrétienne) sera-t-elle différente d'une morale non religieuse si on abandonne toutes les assertions défait, les punitions divines ici et dans l'au-delà, l'intérêt de Dieu pour sa créature humaine, etc ? » Régis Debray, finalement, se dévoile : « Oui, religion est un mot trop commode auquel il faudra sans doute un jour renoncer ». Quand Debray annonce le retour du religieux, c'est donc parce qu'il n'a pas encore trouvé le mot exact

Tendance ?

Un publicitaire éclaire, chargé d'anticiper les besoins des consommateurs, y verrait une tendance, une nouvelle mode qui s'annonce. Cette soif de religion, de racines et de repères s'annonçait dans la folie de « l'authentique » qui étreint nos sociétés depuis déjà plusieurs années : dans les domaines de l'alimentaire (agriculture biologique, cuisine de terroir, chocolat noir bien amer à 72 %, pain aux céréales aussi coriace que possible), des loisirs et destinations de vacances (la Bretagne préservée attire de plus en plus aux dépens de la Côte bétonnée sous l'azur). Le retour au spirituel représente bien la nouvelle étape d'une recherche de repères toujours plus pressante et la religion de Vatican II - toute subjective - semble une réponse adéquate pour notre société encore jalouse de toutes les libertés qui font sa règle.

Mais on peut penser que cette recherche de repère est un processus qui va croissant comme le sont la Révolution et sa soif de liberté. N'éteignons pas la mèche qui fume encore ! Un jour, non contents de nos fraîches racines, les trouvant un peu courtes sur sol motivant, nous demanderons un tuteur, des règles, une vérité. Et Vatican II ne fera décidément plus l'affaire...