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Doctrine d'abord !

Entretien avec Michel Moubèche - Propos recueillis par l'abbé G. de Tanoüarn

Pacte n°78 - septembre 2003

Ce titre, un tantinet provocateur peut contribuer à créer l'électrochoc dont nous avons besoin, en ces temps moroses. Le mot « doctrine » a mauvaise réputation. Pourtant, il ne s'agît pas pour nous défaire des catholiques comme autant de petits perroquets doctrinaires. Il ne s'agit pas non plus de mourir pour une virgule. Mais il faut mettre clairement au jour le contentieux doctrinal qui sépare les catholiques de tradition et les catholiques conciliaires. Pour y voir clair - enfin - dans la crise surnaturelle que traverse l'Eglise, ces temps-ci.

Michel Moubèche, vous êtes, entre autres occupations, l'organisateur du IIe symposium de théologie sur le concile Vatican II. En quoi cette initiative concertée par des prêtres et des laïcs proches de la Fraternité Saint-Pie X, vous paraît-elle revêtir une importance particulière ?

Le symposium, cette année, est placé sous la présidence du supérieur du district de France de la Fraternité Saint-Pie X : ce n'est pas un détail. Cela marque la soif du clergé traditionnel et des fidèles, qui attendent une synthèse doctrinale sur le concile. Nous mesurons tous que ce concile n'est pas responsable de quelques erreurs au passage, mais qu'il a constitué une doctrine cohérente et complète - ce que nous avons appelé l'an dernier une nouvelle religion. Le rejet intuitif de cette nouvelle religion par beaucoup de fidèles qui ont déserté les églises officielles doit se fonder désarmais sur une analyse doctrinale claire. Nous avons commencé à la mener l'an dernier. Nous poursuivons cette année, avec un peu plus de participants... Il s'agit de mieux charpenter la critique que nous voulons porter au coeur de l'Eglise.

Cette année, le thème dominant votre recherche sera celui de la conscience. N’est-ce pas trop abstrait ?

Le concept de conscience est sans doute assez abstrait, mais les conséquences de la doctrine nouvelle sont très concrètes. Exalter le droit de la conscience humaine au dessus de toute autre loi, cela revient, en quelque sorte, à instaurer le droit de refuser la révélation du Christ. Proclamer la souveraineté de la conscience humaine, c'est affirmer que le Christ lui-même, son enseignement et sa loi doivent s'y soumettre. Un tel renversement de la perspective traditionnelle a des conséquences incalculables...

Mais vous ne voulez tout de même pas imposer le Christ par la violence ?

Non, bien sûr : la seule violence du Christ est l'amour qu'il nous porte. Mais sa force est son autorité divine. Le Christ ne nous laisse pas le choix : « Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé, celui qui ne croira pas sera condamné » dit le Christ à la fin de l'Evangile de saint Marc. Il faut bien peser ces paroles. L'affirmation est énorme, fantastique et elle émane de la bouche même de Dieu. Pas la moindre trace en tout cela d'une liberté de la conscience face à l'Evangile ! Au contraire, dans la doctrine issue de Vatican II, la proclamation de la souveraineté de la conscience apparaît comme la clef de la théorie sur la liberté religieuse et de celle de l'oecuménisme. Cette religion nouvelle fondée non sur l'autorité de la Révélation mais sur celle de la conscience débouche logiquement sur la nouvelle conception de l'Eglise, développée au concile.

Ne pensez-vous pas qu'il suffit d'attendre, que l'Eglise se réformera d'elle-même et que la situation redeviendra normale moyennant un peu de patience ?

La situation de l'Eglise est trop grave pour qu'on puisse se payer de mots et juger simplement sur la base des intentions vagues affichées aujourd'hui par tel ou tel cardinal. Ce qui compte ce sont les faits. Et parmi ces faits, les textes officiels. C'est bien pourquoi — et il s'agit d'une première - nous nous attaquons à l'étude systématique des constitutions conciliaires. J'ajoute qu'aujourd'hui, rien ne nous permet de penser que les choses aient changé en bien. Contrairement à ce que pensent certains qui l'ont lu trop rapidement, la récente encyclique Ecclesia de Eucharistia ne défend pas la liturgie traditionnelle. Au contraire, elle tente d'accréditer que la liturgie nouvelle est conforme à la tradition. Elle ne constitue donc pas une ouverture, loin de là ! et quand bien même y aurait-il ouverture, encore faudrait-il que cette ouverture ne nous fasse pas manquer les véritables problèmes.

En quel sens dites-vous cela ?

L'étude des textes de Vatican II et de tous les textes subséquents montre que la doctrine nouvelle ne peut être réduite à la question liturgique et qu'elle bouleverse les fondements mêmes de la foi catholique, en mettant en cause notamment l'autorité de la doctrine du Christ. Il faut prendre le mal à la racine, dans son principe. C'est l'ambition que nourrissent les participants clercs et laïcs - de ce IIème symposium de Paris.

N'est-ce pas de votre part un mépris de l'autorité, comme l'indique l'abbé Aulagnier dans un entretien récent à The Wanderer ?

L'abbé Aulagnier craint qu'il y ait danger à prolonger notre résistance aux autorités du Vatican. Personnellement, je ne connais aucun traditionalistes qui mette en cause la primauté des papes et leur autorité. En revanche, tant que l'on diffusera une doctrine nouvelle, non conforme à l'Evangile, le devoir des catholiques sera de s'y opposer. C'est parce que l'abbé Aulagnier cantonne le problème à la question liturgique qu'il est tenté par un accord pratique avec Rome. Mais c'est mal mesurer l'ampleur du bouleversement que nous connaissons et ignorer les fondements doctrinaux de la Révolution dont nous sommes aujourd'hui les témoins dans l'Eglise.