Ce
titre, un tantinet provocateur peut contribuer à créer l'électrochoc dont
nous avons besoin, en ces temps moroses. Le mot « doctrine » a mauvaise réputation.
Pourtant, il ne s'agît pas pour nous défaire des catholiques comme autant de
petits perroquets doctrinaires. Il ne s'agit pas non plus de mourir pour une
virgule. Mais il faut mettre clairement au jour le contentieux doctrinal qui sépare
les catholiques de tradition et les catholiques conciliaires. Pour y voir clair
- enfin - dans la crise surnaturelle que traverse l'Eglise, ces temps-ci.
Michel
Moubèche, vous êtes, entre autres occupations, l'organisateur du IIe symposium
de théologie sur le concile Vatican II. En quoi cette initiative concertée par
des prêtres et des laïcs proches de la Fraternité Saint-Pie X, vous paraît-elle
revêtir une importance particulière ?
Le
symposium, cette année, est placé sous la présidence du supérieur du
district de France de la Fraternité Saint-Pie X : ce n'est pas un détail. Cela
marque la soif du clergé traditionnel et des fidèles, qui attendent une synthèse
doctrinale sur le concile. Nous mesurons tous que ce concile n'est pas
responsable de quelques erreurs au passage, mais qu'il a constitué une doctrine
cohérente et complète - ce que nous avons appelé l'an dernier une nouvelle
religion. Le rejet intuitif de cette nouvelle religion par beaucoup de fidèles
qui ont déserté les églises officielles doit se fonder désarmais sur une
analyse doctrinale claire. Nous avons commencé à la mener l'an dernier. Nous
poursuivons cette année, avec un peu plus de participants... Il s'agit de mieux
charpenter la critique que nous voulons porter au coeur de l'Eglise.
Cette
année, le thème dominant votre recherche sera celui de la conscience.
N’est-ce pas trop abstrait ?
Le
concept de conscience est sans doute assez abstrait, mais les conséquences de
la doctrine nouvelle sont très concrètes. Exalter le droit de la conscience
humaine au dessus de toute autre loi, cela revient, en quelque sorte, à
instaurer le droit de refuser la révélation du Christ. Proclamer la
souveraineté de la conscience humaine, c'est affirmer que le Christ lui-même,
son enseignement et sa loi doivent s'y soumettre. Un tel renversement de la
perspective traditionnelle a des conséquences incalculables...
Mais
vous ne voulez tout de même pas imposer le Christ par la violence ?
Non,
bien sûr : la seule violence du Christ est l'amour qu'il nous porte. Mais sa
force est son autorité divine. Le Christ ne nous laisse pas le choix : «
Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé, celui qui ne croira pas sera
condamné » dit le Christ à la fin de l'Evangile de saint Marc. Il faut
bien peser ces paroles. L'affirmation est énorme, fantastique et elle émane de
la bouche même de Dieu. Pas la moindre trace en tout cela d'une liberté de la
conscience face à l'Evangile ! Au contraire, dans la doctrine issue de Vatican
II, la proclamation de la souveraineté de la conscience apparaît comme la clef
de la théorie sur la liberté religieuse et de celle de l'oecuménisme. Cette
religion nouvelle fondée non sur l'autorité de la Révélation mais sur celle
de la conscience débouche logiquement sur la nouvelle conception de l'Eglise, développée
au concile.
Ne
pensez-vous pas qu'il suffit d'attendre, que l'Eglise se réformera d'elle-même
et que la situation redeviendra normale moyennant un peu de patience ?
La
situation de l'Eglise est trop grave pour qu'on puisse se payer de mots et juger
simplement sur la base des intentions vagues affichées aujourd'hui par tel ou
tel cardinal. Ce qui compte ce sont les faits. Et parmi ces faits, les textes
officiels. C'est bien pourquoi — et il s'agit d'une première - nous nous
attaquons à l'étude systématique des constitutions conciliaires. J'ajoute
qu'aujourd'hui, rien ne nous permet de penser que les choses aient changé en
bien. Contrairement à ce que pensent certains qui l'ont lu trop rapidement, la
récente encyclique Ecclesia de Eucharistia ne défend pas la liturgie
traditionnelle. Au contraire, elle tente d'accréditer que la liturgie nouvelle
est conforme à la tradition. Elle ne constitue donc pas une ouverture, loin de
là ! et quand bien même y aurait-il ouverture, encore faudrait-il que cette
ouverture ne nous fasse pas manquer les véritables problèmes.
En
quel sens dites-vous cela ?
L'étude
des textes de Vatican II et de tous les textes subséquents montre que la
doctrine nouvelle ne peut être réduite à la question liturgique et qu'elle
bouleverse les fondements mêmes de la foi catholique, en mettant en cause
notamment l'autorité de la doctrine du Christ. Il faut prendre le mal à la
racine, dans son principe. C'est l'ambition que nourrissent les participants
clercs et laïcs - de ce IIème symposium de Paris.
N'est-ce
pas de votre part un mépris de l'autorité, comme l'indique l'abbé Aulagnier
dans un entretien récent à The Wanderer ?
L'abbé
Aulagnier craint qu'il y ait danger à prolonger notre résistance aux autorités
du Vatican. Personnellement, je ne connais aucun traditionalistes qui mette en
cause la primauté des papes et leur autorité. En revanche, tant que l'on
diffusera une doctrine nouvelle, non conforme à l'Evangile, le devoir des
catholiques sera de s'y opposer. C'est parce que l'abbé Aulagnier cantonne le
problème à la question liturgique qu'il est tenté par un accord pratique avec
Rome. Mais c'est mal mesurer l'ampleur du bouleversement que nous connaissons et
ignorer les fondements doctrinaux de la Révolution dont nous sommes aujourd'hui
les témoins dans l'Eglise.
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